La structure de l’immeuble a toujours été un formidable réservoir à fiction, qu’on se rappelle l’œuvre somme de Georges Perec, La Vie mode d’emploi : chaque appartement contient ses destinées et suffisent à remplir un récit.


Nani Moretti se concentre dans son nouveau film sur trois étages d’un bâtiment romain, dont il commence par faire exploser la façade à la faveur d’un accident de voiture qui vient poser avec force les méthodes de l’écriture dramatique. Nos résidents vont se confronter à des épreuves terribles, et les ellipses (deux fois cinq ans) nous prouveront qu’on parle ici de celles qui laissent des traces.


Pot-pourri du drame éculé, Tre piani se voudrait probablement tragique, mais est écrit comme un soap. On enjoint ainsi certains personnages à ne plus parler à d’autres (la mère à son fils, interdit par le père, l’épouse à son beau-frère, interdit par son mari), on se retourne contre l’ancien complice (l’ado accuse de viol le quadra qu’elle a séduit, ce dernier soupçonne d’attouchements sexuels le vieux auquel il a confié la garde de sa fille) et la vie semble complexe comme dans les thrillers poussifs de Farhadi.


Les personnages sont réduits à des fonctions, et leur interaction à une somme de conflits auxquels on ne s’attache jamais véritablement. Surnage peut-être celui joué par Alba Rohrwacher, d’abord enceinte, puis inquiète d’une possible hérédité de la maladie mentale de sa mère. Les flottements et la lutte contre la solitude imposée par le travail à distance de son mari peuvent occasionner de belles scènes, mais la situation sera de nouveau pliée aux lois du drama, de façon que tous les ingrédients puissent justifier une sorte de twist parfaitement gratuit.


Convaincu de tenir une poignée de sujets qui se déploieront sur la longueur, Moretti écrit donc un troisième segment où l’on tente d’imaginer que le monde dépasse l’immeuble (sans blague), qu’il y a aussi dans la rue des migrants et des fachos, et qu’on peut faire du miel dans la campagne pour ébaucher, dans une modestie bouleversante, les voies de la rédemption.


Dans ce ballet inepte, l’émotion tant convoitée n’éclot jamais : forcée de toute part, défendue plutôt correctement par les comédiens, elle reste une déclaration d’intention, minée par des ressorts grossiers et un manque flagrant d’incarnation.

Sergent_Pepper
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le 12 nov. 2021

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