Quand votre amoureux/se vous lâche, il faut bien faire avec. Mais plus le/a lâcheur/se est charmant/e, plus la rupture est douloureuse et le chagrin pérenne. Le surmonter, tourner la page, c'est vite dit... et moins facilement fait. C'est là toute la trame du premier long d'Hafsia Herzi, actrice franco-tunisienne de 32 ans, découverte en 2007 dans La Graine et le mulet d'Abdellatif Kechiche, pour qui elle a également tournée dans les Mektoub My Love (Canto Uno et Intermezzo).
Hafsia Herzi joue Lila qui découvre, au début du film, que Rémi (personnifié par Jérémie Laheurte, joli teint, jolis yeux... et vu précédemment dans La Vie d'Adèle) se détache d'elle, la trompe, lui ment et finalement part en Bolivie pour s'accorder quelques semaines de "réflexion".
Comment dès lors, dans le Paris et la société d'aujourd'hui, guérir d'un gros chagrin d'amour et continuer vaille que vaille son bonhomme de chemin ? Le titre me faisait craindre une histoire un peu gnangnan, mais j'ai été vite rassuré par le ton, l'esprit et les personnages du film.
Ça démarre d'ailleurs de façon assez dure, pour ne pas dire dramatique (les gens qui, en amour, s'accrochent quand on ne veut plus d'eux, je trouve ça affreux, minable, dégradant ; en plus, ça ne sert à rien : quand c'est cassé, c'est cassé) et puis, dieu merci, ça s'allège, ça devient même drôle, ça sonne vrai, ça a presque parfois des allures de document, de savoureuse tranche de vie.
Le film est fait avec peu de moyens, mais il est si adroitement mis en scène que ça se sent à peine. Le rythme est bon, on ne s'ennuie pas. Le scénario décline des anecdotes multiples et variées. Lila est jolie : les mecs s'offrant à la consoler ne manquent pas. Hélas, cette (selon un verbatim du film) "raclure" sexy de Rémi n'est pas facile à remplacer, à oublier. Puis, il revient de Bolivie et sait comment la prendre : elle succombe à nouveau, quoique désormais sans illusion sur lui. Qui ne sait d'ailleurs toujours pas ce qu'il veut (elle ? une autre ? des autres ?). Par chance, Lila a un solide tissu d'ami(e)s qui l'entourent, la conseillent, la dérident, la sortent, la soutiennent, autant qu'il est possible. Elle fait donc un certain nombre de rencontres... qui ne débouchent au mieux que sur du sexe et ciao.
Le processus de guérison n'est ni simple, ni rapide. Qui lui fera oublier le beau et volage Rémy ? Ce qui est sûr c'est que Lila aspire maintenant à un amour d'une autre qualité. Celui peut-être que lui fait entrevoir Charly, l'aspirant-photographe joué par Anthony Bajon, quand il lui dit le magnifique poème de Frida Kahlo qui donne son titre au film : https://www.facebook.com/savoiraimeraideretpardonne/posts/1170397363124488/
Conclusion. S'il est parfois un peu bavard, le film d'Hafsia Herzi met en scène, avec beaucoup de fraîcheur, de spontanéité, d'audace et ça et là une pointe de vulgarité, le plus vieux sujet du monde : l'amour, tout en soulignant l'extrême précarité, aujourd'hui, de ce lien amoureux... et de toutes choses.
Présenté au festival de Cannes et ayant obtenu le Valois de la mise en scène, fin août, au 12e Festival du film francophone d'Angoulême, Tu mérites un amour a été pour moi une jolie surprise.