Très bien écrit et excellemment joué, le métrage captive

Très remarqué dans les festivals en 2001 et 2002, Turning Paige est une petite production Canadienne qui aura gagné pas mal de prix. Mais plus de 10 ans après sa sortie initiale, réussir à se procurer le film n’est pas une mince affaire. Oui, Turning Paige est inédit en format physique, quel que soit le pays, même son pays d’origine. Seule les diffusions à la télévision au Canada permettent de le voir à présent. Ce qui est bien dommage, puisqu’au final, le métrage se révèle être un drame classique sur le papier, mais plutôt émouvant, et surtout pertinent, jusqu’à son titre (l’héroïne s’appelle Paige, elle est écrivain, et doit tourner la page – turn the page – sur son passé, donc, Turning Paige), et porté par un trio de comédiens investis. Le métrage nous invite à suivre une famille, déjà détruite lorsque le film commence. Chacun a ses secrets, sa part de responsabilité dans des événements passé, et s’évade à sa manière. Paige donc, jouée par Katharine Isabelle qui sortait tout juste de Ginger Snaps (et qui trouve ici sans doute son meilleur rôle), s’évade dans l’écriture, incorporant des éléments de sa vie à ses récits. Elle fait des lectures le soir dans des lieux publics, sa prof l’encadre pour permettre à ses récits d’aller plus loin. Tout le long du film, elle ne fait que rompre puis revenir avec son petit ami, joué par Brendan Fletcher (avec qui Katharine aura énormément tourné, et est amie dans la vraie vie).


Paige vit avec son père, ancien alcoolique, qui lui n’essaye pas de se soucier du passé, de sa propre culpabilité, et s’évade au final dans le mensonge, puisqu’en réalité, il a perdu son travail et a replongé dans l’alcool, moment qui le rend heureux et lui permet de pas penser. Tout aurait pu en rester là puisque Paige le respecte et croit en ces mensonges, mais le retour de son frère, Trevor, va venir tout chambouler, puisqu’il semble être le seul à accepter la réalité et surtout à l’affronter en face, à accepter sa part de responsabilité dans le suicide de leur mère. Et bien entendu, quand une personne terre à terre vient déterrer certains éléments du passé et les afficher clairement en pleine face à sa famille, ça ne se passe pas forcément bien. Disputes avec le père, sœur agressive qui ira jusqu’à demander à son petit ami de tabasser son propre frère. Il faudra du temps à cette famille pour voir la réalité en face, l’accepter, et accepter que chacun a sa part de responsabilité à sa manière dans les événements. Bien entendu, Paige en est consciente, et cherche à s’évader dans l’écriture, mais la présence de son frère même vient lui rappeler tout ça.


Soyons clair, Turning Paige n’est pas un film éblouissant de par sa mise en scène. Celle-ci est fonctionnelle et rythme parfaitement le récit, et ne cherche jamais à se faire remarquer. Robert Cuffley a donc fait le bon choix, préférant plutôt coller à ses personnages pour capter l’émotion et les laisser s’exprimer. Ce qui fonctionne, autant dans les moments plus légers (l’ouverture, avec la rupture de Paige et de son copain, qui campe devant sa maison et sort comme arguments qu’ils ont échangés leur tasse de café) que dans les moments graves et les errances de Paige, qui en voudra au monde entier par moment, criant désespérément à l’aide mais une fois qu’elle l’obtient, la refusera, comme si l’accepter serait un signe de faiblesse. Elle passera le film entre culpabilité, recherche désespérée d’aide et de repères et son envie d’être une femme forte. Un personnage bien plus complexe qu’il n’y paraît, joué par Katharine Isabelle comme toujours investie. Nicholas Campbell dans le rôle du père et Philip DeWilde dans le rôle du frère complètent le trio de bien belle manière, même si étonnement, le second personnage le plus marquant sera celui de Brendan Fletcher, puisque le métrage nous le présente de manière légère et comique, mais qu’il se montre par instant incroyablement lucide et terre à terre, apportant beaucoup d’humanité au personnage. Oui, Turning Paige m’a beaucoup plus, par la simplicité de sa mise en scène laissant les personnages vivre, exister, respirer, s’exprimer. Des personnages humains, forts puisqu’évoluant, ayant chacun droit à leur grande scène. Et bien entendu, à grand film… Aucune sortie !

Rick_D__Jacquet
8
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le 14 avr. 2016

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Rick Jacquet

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