Twisted Pair
2.5
Twisted Pair

film de Neil Breen (2018)

L'IA et la cyber-biologie au pays du cheap mégalo

Imaginez si Terrence Malick faisait des films tout moisis sans aucun budget.
Bon, il se trouve qu'il fait des films tout moisis mais qu'il a du budget.
Petite provocation mise à part, "Twisted Pair" est la preuve que le mythe du surhomme messianique dans le nanar a encore de beaux jours devant lui, même si ce long-métrage n'a pas grand chose d'un nanar conventionnel. C'est l'oeuvre d'un mégalomane clinique complètement frappé et névrosé répondant au doux nom de Neil Breen.


Scénariste, auteur, acteur, réalisateur et agent immobilier à Las Vegas à ses heures perdues, je ne connaissais pas ce phénomène, apparemment très prolifique, avant de voir sa dernière merveille projetée sur l'écran du Grand Rex à l'occasion de la 4ème "Nuit Nanarland' (je recommande !).
Et heureusement que "Twisted Pair" a été projeté en début de soirée plutôt qu'à 4h30 du matin parce qu'il est tout bonnement incompréhensible. On dépense une énergie folle pour tenter de déceler vainement un début de cohérence dans ce qui ressemble à la rencontre improbable entre "Tree of Life", "Matrix", "The Room", "Faux-Semblants", "X-Men" et un écran de veille Windows.
Au programme, Cale et Cade, deux frères jumeaux, sont choisis tout petits par "La Force" pour combattre le mal dans le monde (et sans doute dans l'univers), l'entité leur ayant fait don de l'intelligence d'une IA (pourquoi pas?) et de pseudos super-pouvoirs.
Leurs chemins ayant divergé avec le temps, ces frères ennemis vont se déchirer sous nos yeux au beau milieu d'une intrigue improbable à base d'une "cyber-attaque biologique" (pourquoi pas ?) menée par un méchant ressemblant étrangement à Van Damme affublé des lunettes teintées de Bono et qui trimbale partout avec lui ses diamants de méchant.
Tout ça est tellement haché et confus qu'à la sortie du film, une spectatrice rencontrée sur place a qualifié l'expérience de "simulateur de visionnage de film, bourré". Ses mots décrivent assez justement la sensation que nous laisse "Twisted Pair".


Complètement mégalo, Neil Breen, au charisme d'une huître et plus glauque que ton tonton glauque (il a encore plus une démarche d'alcoolique que lui), joue les 2 frères à la fois. Pour reconnaître le méchant, c'est à la fois simple et subtil : il a une barbe et prend de la coke.
Il évolue, incrusté avec les pieds d'un cul-de-jatte, sur des fonds verts immondes, s'envolant dans un effet digne des plus beaux moments de Super Mario sur NES et détruisant ses ennemis à grands coups d'explosion after-effect. Et comme si son CV était pas assez complet, il impose également son style dans son approche de la gente féminine en stalkant la fille qui lui plaît avant de l'agresser sexuellement dans sa propre maison pour finalement...finir avec. Retenez ça les enfants, la persévérance, ça paie. Quand il n'est pas occupé à combattre des terroristes de Counter-Strike immobiles ou à soumettre sa partenaire, il récite de la philosophie néo-JCVDienne tout en caressant un aigle issu d'une vidéo Shutterstock.
Car malgré ses ambitions démesurées , Neil Breen fait dans l'économie de moyens. Seuls quelques intérieurs, une place et deux rues tiennent place de décors réels. Pour le reste, il incruste ses personna... ses figurants recyclés sur des images libres de droit comme la salle informatique de ton collège ou la pinède à côté de ta maison de campagne.
Et en plus de ne pas avoir d'argent, il ne fait tout simplement aucun effort pour intégrer un minimum à son "oeuvre" les codes de base du cinéma. Des fondus au noir entre chaque scène, des "travellings" latéraux qui ne mènent à rien, des arcs non résolus, des changements constants d'échelles (quand il marche dans sa rue libre de droits), des déplacements qui défient toute logique... Autant dire que si vous êtes un minimum toqués, vous allez vivre l'intégralité de ce film comme une agression de vos sens (ce qu'il est, objectivement).


Il y aurait encore tellement de chose à dire sur ce film, comme la ré-utilisation des mêmes plans 3 ou 4 fois, le scénario qui change toutes les 30 secondes, les dialogues qui se prennent incroyablement au sérieux et qui casent les mots "terrorisme", "cellules" et "cybernétique" comme autant d'indices de la gravité des événements.
Ce film, c'est aussi un plaidoyer pour la justice rendue par l'individu, un recueil de misogynie crasse, un témoignage sur l'ultra-virilisme d'un homme sans talent ni charisme, à la naïveté d'un enfant de CE2 combinée à la frustration sexuelle d'un quarantenaire en crise. Ce film, au delà de son hilarante nullité, est moralement très grave. C'est pourquoi c'est une expérience à vivre à plusieurs, de préférence ivres, afin de pouvoir en retirer tout le fun possible et déclamer avec le héros cette phrase déjà devenue culte : "I don't need any weapon. I am the weapon."

Mr_Step
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le 22 sept. 2019

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Mr_Step

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