Mia Hansen-Løve a toujours assumé la modestie de ses récits : ses personnages ne vivent généralement pas de folles aventures, se contentant d’affronter l’amour, le deuil ou le passage du temps. Alors que dans Bergman Island, elle explorait les méandres de l’écriture à travers son couple de cinéastes, elle revient moins d’un an plus tard pour une nouvelle désinence mettant en scène Léa Seydoux et Melvil Poupaud. On jouera donc de la variation sur de menus détails : madame est interprète, et monsieur un cosmochimiste avec femme et enfant. Madame est veuve depuis cinq ans, et doit gérer la dépendance progressive de son père qu’il va peut-être falloir placer en Ehpad. La mort, la séparation des couples et les forces contradictoires entre élans du cœur et disparition des êtres naviguent ainsi d’une génération à l’autre, donnant au passage un rôle fantasque à Nicole Garcia qui s’essaie sur le tard au militantisme, et qui permet de dynamiser un peu un ensemble assez neurasthénique.


Il est souvent peu pertinent de reprocher à un récit d’aborder des thématiques déjà traitées depuis des décennies, voire un siècle de cinéma. Après tout, les obsessions pour les grands motifs (l’amour, la mort, la famille…) cristallisent des incontournables de la condition humaine, et méritent bien les infinies variations de chaque nouveau récit. On peut néanmoins s’interroger sur la pertinence de certaines, et ce qu’elles parviennent à dire, ou à sonder du cœur humain. Si certaines séquences permettent une jolie spontanéité dans le retour à la vie sentimentale de la jeune veuve, l’ensemble reste d’une étonnante neutralité et peine à réellement émouvoir. Une certaine raideur engonce l’ensemble d’un récit qui prend le parti de tous les automatismes, et ne semble écrit que pour le plaisir de la réalisatrice de voir jouer des comédiens qu’elle affectionne. Tout cela ne suffit pas vraiment pour faire un film, et la simplicité convoquée conduit souvent à l’ennui poli devant des personnages qui déploient leurs petites phrases sur la vie sans qu’elles apportent grand-chose à la nôtre.

Sergent_Pepper
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le 6 oct. 2022

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Sergent_Pepper

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