Un Été A La Goulette représente à lui seul tout l’amour que porte Férid Boughédir, cinéaste tunisien en sommeil depuis trop longtemps, à sa chère Tunisie et à la jeunesse de ce pays. Il illustre et travaille une nouvelle fois les thèmes qui inspirent son génie cinématographique tels que la transgression, les conventions religieuses ou l’hypocrisie des ces dites conventions. Il rajoute ici une touche de soleil, une pointe d’espoir et une once de désir portée par la découverte des amours estivales.
Le sujet n’est pourtant pas le plus facile à traiter, Férid Boughédir signant là un film œcuménique qui mêle trois familles vivant dans le même immeuble de Tunis, l’une catholique, l’autre musulmane et la dernière juive. L’harmonie prédomine entre eux, même si chacun des patriarches est armé d’un caractère bien trempé et mène sa famille à grands renforts de principes de vie mêlés à un commencement d’ouverture d’esprit. Ces trois familles ont chacune une fille belle, adolescente et meilleure amie de deux autres. Elles n’ont pas tout à fait quinze ans, sont encore vierges et bien décidées à coucher avec un garçon avant leur prochain anniversaire. Leurs pères sont au désespoir et se sentent désarmés face à la détermination de ces jeunes filles en fleur et à l’éclosion de cette féminité à laquelle ils savaient qu’ils ne seraient jamais totalement prêts.
Un Été A La Goulette sent merveilleusement bon l’iode de la méditerranée, il réchauffe du soleil tunisien et donne de furieuses envies de remonter le temps jusqu’à cette époque faite d’insouciance, de premières amours et de découverte des plaisirs charnels. C’est un ravissement de voir ces trois filles et ces trois garçons, leurs peaux dorées par le soleil tunisien, jouer à s’approcher, à s’apprivoiser dans un mélange de respect et de convoitise entourés des somptueux paysages de Tunis et de sa banlieue. Les pères sont très drôles, partagés entre une volonté d’ouverture et de tolérance et des principes hérités de leurs aïeux. Chacun y va du dogme propre à sa religion, parfois en opposition avec ceux des deux autres, ce qui donne souvent des échanges plus que savoureux.
La gaieté et la joie de vivre sont l’essence même de ce petit chef-d’œuvre, le soleil, la mer, l’amour et la chaleur des corps s’ajoutent à de merveilleuses séquences où apparaissent deux fabuleux personnages secondaires. Claudia Cardinale dans son propre rôle joue une actrice à succès de retour au pays, célébrée et adulée de tous. Elle est impitoyablement belle et rayonne presque autant que le soleil qui lui fait de l’ombre. Michel Boujenah vit quant à lui l’oreille vissée à sa petite radio portable à l’écoute permanente de la France et rapporte à ceux qui veulent bien l’écouter les nouvelles qu’il arrive à y entendre. Tous deux forment comme un fil rouge, de petits interludes qui viennent apporter une légèreté supplémentaire à un film qu’il s’envole déjà si haut.
Ce film est une découverte, un chef-d’œuvre presque inconnu qui souhaite un retour prochain de son réalisateur derrière la caméra. C’est le film de nos vacances à tous, ces vacances de la découverte de l’amour, de ces journées passées avec l’appétit coupé, de ces battements de cœur à l’approche de la charmante ou du charmant, de cette incapacité, submergés par l’émotion, à prononcer une phrase complète et compréhensible. Un Été A La Goulette est le plus rayonnant, le plus lumineux des films de Férid Boughédir, un film porté par la chaleur des brises marines qui viennent caresser nos souvenirs comme elles caressent le littoral. Alors, arrive le mot « fin », et avec lui notre envie de redevenir des adolescents à la conquête de l’amour.