Un monde sans Philippe Borrel?
Lorsqu'un altermondialiste s'empare d'un sujet qu'il ne maitrise pas et qu'il traite avec tout sauf une objectivité journalistique on obtient Un Monde Sans Fous. Fourre tout de critiques (parfois légitimes) en tout genre et de clichés grossiers.
Pour Borrel la psychiatrie est en danger car il y a moins de lits d'hôpital qu'avant. C'est vrai que le nombre n'a cessé de diminuer mais pas qu'en psychiatrie. Hospitaliser un patient est souvent une galère. Mais de là a dire que ça met la psychiatrie en péril il ne faut pas pousser. Borrel oublie de parler des nombreuses structures de jours (hôpitaux de jours, cattp, gem et j'en passe) qui accueillent les patients stabilisés. La structure de Reims qu'il montre n'en est qu'une parmi d'autres. Les "psys" humanistes sont bien plus nombreux qu'il le croit, y compris au sein même de l'hôpital. Bien sûr comme d'habitude les comportementalistes sont montrés du doigt. Borrel caricature bien comme il faut cette structure de Créteil qui fait de la remédiation cognitive. Pourquoi ne pas avoir montré un psychanalyste en séance avec un schizophrène? On se serait autant amusé je pense.
Les "grandes compagnies pharmaceutiques" sont montrées du doigts. Avec quoi soigne t-on les psychotiques monsieur Borrel? Qu'est ce qui a réellement fait sortir les "fous" des asiles? Les neuroleptiques! Sans eux point de salut pour vos chers fous. Le documentaire a été fait en réaction au fameux discours "sécuritaire" de Sarkozy. Discours qui a mis en émoi toute la communauté psy...enfin...les plus hystériques surtout. Aujourd'hui que reste t-il de ce discours? Si ce n'est quelques salles d'isolement dans les hôpitaux? La vision du schizophrène n'a pas changé. Et oui, un schizophrène délirant dans la rue sera toujours potentiellement dangereux. C'est la question du suivi du psychotique qui pose réellement problème. Et ça n'a pas souvent de lien avec les "moyens" (essayez de faire sortir un schizophrène de son lit pour aller à un RDV psy, vous verrez). Passage hallucinant également quand le réalisateur compare l'ambiance sécuritaire aux morts en HP pendant la seconde guerre mondiale. Un petit point goodwin qui fait toujours son petit effet. La fin du reportage, sur les suicides des salariés des grandes entreprises est pathétique. Borrel ne met en avant aucun chiffre, aucune statistique. Juste des impressions. Et que faut il comprendre? Que la société est plus folle que nos fous? Que vient faire cette partie "sociale" dans un reportage sur la psychiatrie?
Borrel fait pitié avec son Eden de Reims où les psychotiques font du jardinage au soleil. Ce serait ça le soin pour lui. Non, ça c'est du soutien ou de l'accompagnement. Au même titre que la remédiation cognitive d'ailleurs. Ça apporte vraiment quelque chose aux patients mais enlevez leur leurs médicaments et l'Eden se transformera en Enfer. On ne peut soigner qu'en agissant sur le cerveau. L'exemple de la stimulation par électrode expérimentale dont il donne l'exemple est censé faire peur. Mais elle pourrait représenter une avancée majeure dans le traitement des troubles graves de l'humeur.
Philippe Borrel nous livre un documentaire sans queue ni tête qui s'appuie plus sur de la politique et de la philosophie que sur un véritable travail journalistique ciblé. Le titre dit tout "un monde sans fous?" qui veut dire que ce serait mal que la maladie mentale n'existe plus. Encore une vision romantique de la psychiatrie (merci la psychanalyse...) Monsieur Borrel, allez demander aux "fous" s'ils sont contents de l'être...
Je mets 2/10 car il a quand même le mérite de parler de la psychiatrie, chose assez rare.