Bien que l'on y retrouve les gimmick de Bloody Sam, véhiculés par sa fin très noire notamment, Un nommé Cable Hogue surprend quelque peu par sa tonalité changeante et ses sorties de piste vers le burlesque. On ne s'attend pas, en lançant un film du réalisateur de la Horde sauvage, à se retrouver devant des séquences à la Tex Avery dans lesquelles des personnages fuient le danger en vitesse accélérée. Elles sont peu nombreuses et n'empêchent pas au film d'être divertissant, ni même de porter toutes les thématiques qui jalonnent l’œuvre du cinéaste, mais elles lui confèrent indéniablement un côté un peu à part.
Un nommé Cable Hogue est relativement léger, il bascule même parfois dans la franche comédie. Peckinpah va jusqu’à inscrire dans son histoire des personnages cabotins dont le dessein est de provoquer le rire, comme ce prêtre obsédé qui n’hésite pas à exploiter le deuil supposé d’une jolie demoiselle pour la travailler au corps. Bien loin des personnages de tempérament qui ponctuaient habituellement ses péloches. De même que ce bien nommé Cable Hogue, amoureux et doté de compassion, s’éloigne quelque peu des standards guerriers sans compromis auxquels il nous a habitué, même s’il garde le fond rugueux (pas le genre à dire je t’aime) qui caractérisent les anciennes valeurs de l’Ouest.
Si certains verront en ces quelques éléments surprenant une déception, j’y vois pour ma part une forme contestataire en harmonie avec l’esprit du film. Un passage de relais, la fin d’une époque que Bloody Sam illustre en dynamitant lui-même ses habitudes. Ses personnages deviennent plus tendres, avenants envers la gent féminine et rigolos à l’occasion. Mais c’est aussi parce qu’ils sont usés, parce que leur ancien mode de vie est arrivé à son terme et qu’il leur est vain de tenter de s’en extraire, même si la promesse d’une réussite personnelle selon ce rayonnant schéma de l’American Way Of Life semble être aussi pour eux. Cable Hogue l’apprendra à ses dépends : après avoir directement demandé grâce, à ce dieu auquel il ne croit que par intérêt, et commencé à accumuler les deniers à la sueur de son front, il fera l’erreur de forcer son destin en voulant échapper définitivement à sa condition. Son insolente soif d’en finir avec la vie difficile qu’il a menée le conduira vers un coup du sort soudain, semblable à celui qui lui avait permis de sortir du désert et lancer son affaire.
Sans être aussi stimulant que les films emblématiques de l’œuvre de Peckinpah, Un nommé Cable Hogue représente, outre une pause enthousiasmante, qui permet à son auteur de se livrer un peu plus qu’à l’habitude, une énième variation de ses thématiques. Illustration moins définitive, mais tout aussi acide et noire, du destin de ses hommes marqués par leur époque, dont la modernité envahissante fera voler en éclat habitudes et modes de vie. Un film hybride, un peu long, mais dont l’acidité bien présente est seulement dissimulée sous une couche un peu grossière de jeux comiques pas toujours réussis.