Je ne sais pas si c'est l'arrivée des beaux jours qui me plonge dans cet état d'esprit euphorique, mais en ce moment, j'aime tout et tout le monde ! D'ailleurs, il m'a suffit de voir un plan d"Un poison violent" pour comprendre que ce film était fait pour moi et qu'il me parlerait complètement. Est-il besoin de le préciser ? Cette critique est tout sauf objective.
De par son fond déjà, je suis totalement conquise par l’œuvre de Katell Quillévéré.
L'histoire de cette fille qui cherche à comprendre qui elle est, quelle est sa place dans le monde, sa position par rapport à la religion et surtout sa légitimité par rapport à l'amour. Et que fait-on lorsqu'on est une enfant et que l'on cherche des réponses ? Eh bien on regarde faire les grands bien sûr ! Entre ses parents qui ne s'aiment plus, son père absent, sa mère profondément croyante, son grand-père malade, et le prêtre omniprésent dans le rôle du psychologue familial, le moins que l'on puisse dire c'est que son petit monde prête à la réflexion.
Le problème, c'est qu'à trop disséquer son entourage, on comprend à quel point nos proches eux aussi sont en perte de repères et à quel point cette prise de conscience peut s'avérer encore plus déstabilisante pour nous.
Qu'à cela ne tienne, les enfants veulent tout de même grandir à tout prix, trop vite, et s'amusent à imiter les comportements de leurs aînés. On prend alors un air détaché, on complique les choses et on se fait la bise, maladroitement c'est vrai, mais l'important désormais, ce sont les apparences : il ne faudrait surtout pas que l'autre comprenne à quel point je tiens à lui. On s'amuse en fait, on cherche à tester son pouvoir sur autrui, ses limites... Comme le résume très bien Barbara Dane, "When I was a young girl, I used to seek pleasure".
Dans la forme également, "Un poison violent" est touchant de grâce et de véracité.
C'est fou comme je me suis retrouvée dans pratiquement tous les aspects de la vie d'Anna ! Rien que le prénom, déjà. Les paysages verdoyants, vallonnés et sans arrêt détrempés, l'église et les chants religieux, le village et sa petite communauté, les balades en "charrette" à travers la campagne, les parties de puissance 4 le soir avec les grands parents et tant d'autres choses... Je ne pense pas être la seule à pouvoir m'identifier à ce point à l'ambiance générale, car à mon sens, "Un poison violent" est un film sans âge. Impossible de le rattacher avec précision à une quelconque période, il est trop vaste. A l'image de son thème qu'est l'amour, il transcende les époques.
Concernant le titre de ma critique, je me permets de faire un parallèle entre le film éponyme d'Alain Resnais et l'impression que ma laissée celui de Katell Quillévéré. Parce que si un seul "je t'aime" peut être interprété comme un simple constat, la répétition quant à elle amène toute la passion et l'emportement propre à l'amour. Mais cela présuppose aussi déjà toute la dualité de ce sentiment.
On peut en tirer le meilleur ou le pire, comme nous le rappelle le titre emprunté à la chanson de Gainsbourg, "Un poison violent, c'est ça l'amour".
Dans le film, il est surtout question du parallèle opéré entre l'amour tel que le ressent Anna et tel qu'elle le perçoit autour d'elle. Alors qu'elle découvre les prémices de la passion, sa mère de son côté en constate les ravages, son père ne sait plus quoi entreprendre pour la faire renaître et le prêtre aimerait qu'elle ne soit jamais entrée dans sa vie. Sans compter que tout le film se déroule sur la toile de fond constituée par la Confirmation de la jeune fille, à laquelle celle-ci ne se sent pas du tout préparée et à juste titre puisque l’Église ne fait que de lui répéter que la chair est un péché et que "puisque l'esprit nous fait vivre, laissons nous conduire par l'esprit".
Heureusement Anna a trouvé une issue face à toutes ces obligations et ces interrogations incessantes auxquelles elle doit répondre absolument : dès que la tension est à son comble, elle s'évanouit.
"Un poison violent", c'est donc l'histoire d'une fille qui, au travers du parcours de ses parents, de son grand-père grivois, de l'amour impossible du prête et de ses propres expériences, a simplement appris à apprivoiser l'amour et le désir.
D'ailleurs, le final est magnifique et jamais je n'ai trouvé le morceaux "Creep" aussi beau (ce qui n'est pas peu dire) que dans cette interprétation de Scala, transposée dans ce contexte. Elle colle parfaitement au film, et conserve toujours ce quelque chose de religieux, baroque, gracieux et pur qui fait toute la beauté et l'essence même de l’œuvre.
http://www.youtube.com/watch?v=evG2DDmSdxM&feature=kp