Un silence ennuyeux
Le sujet, grave et douloureux, de la pédophilie et de la pédopornographie, est saboté par un montage confus, surtout au début, un scénario mal construit qui ne développe pas assez le personnage...
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le 5 janv. 2024
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Le cercle familial a très régulièrement été mis à l’épreuve par Joachim Lafosse : par le divorce (Nue Propriété, L’économie du couple), la dépendance financière (À perdre la raison) ou la maladie mentale (Les Intranquilles), dans une structure proche de la tragédie aboutissant le plus souvent au pire. Un silence s’inscrit dans la même lignée, à la différence notable qu’il s’agit ici de retranscrire une crise non advenue, qu’on estime ancienne et qu’il s’agit de refouler.
Le noyau familial devient ainsi un bourbier de non-dits, et un défilé de façades où chaque membre fait bonne figure, persuadé que le temps et les illusions feront leur œuvre.
La très longue séquence d’ouverture, cadrant les yeux d’Emmanuelle Devos dans un rétroviseur alors qu’elle conduit, saisit avec intensité ces enjeux : roulant vers un décor sur lequel le cadre ne fait pas le point, la femme va autant de l’avant qu’elle charrie ses démons intérieurs. Toute la première partie du film s’attachera ainsi à visiter cette maison plombée par les silences, l’obscurité des nuits où personne ne semble vraiment dormir : le rythme est languissant, les membres de la famille des comédiens plus ou moins conscients de la partition qu’ils entonnent, plombés par la lente infiltration vénéneuse de la honte.
Lafosse offre toujours des rôles très forts à ses comédiens : Devos est comme toujours excellente, et l’on ne boude pas son plaisir à voir revenir Daniel Auteuil à un niveau digne de son talent : orateur public, autoritaire et dans le contrôle, cherchant à reproduire à domicile cet idéal de maîtrise, cherchant de sa famille un soutien auquel ne répond qu’un terrible silence, qui juge tout en restant complice.
(Spoils à prévoir)
La deuxième partie peut soulever quelques questions en termes d’écriture, notamment sur le fait de faire d’un homme aux pulsions pédophiles l’avocat très médiatisés de familles de victimes du même crime, ou d’ajouter cette crise seconde dans laquelle le fils va tenter d’assassiner son père. Il faut pourtant bien comprendre que Lafosse s’inspire ici de l’improbable affaire autour de Victor Hissel, l’avocat des deux premières victimes de Marc Dutroux, effectivement condamné pour détention d’images pédopornographiques et poignardé par son fils. Cet argument d’autorité pourrait certes justifier les développements, mais il n’en conduit pas moins le film dans une autre direction. La première séquence, où l’on annonce la tentative de meurtre, définit pourtant clairement vers quel événement veut converger le cinéaste. Cette dernière partie, beaucoup plus laborieuse, que ce soit par le jeu ou la symbolique assez poussive de l’alcool et de la drague en boîte de nuit, remet l’événement, c’est-à-dire le fait divers au cœur du récit. C’était pourtant cet impossible après qui faisait réellement l’intérêt de tout ce qui précédait, notamment à travers le personnage central de la mère, reine d’un palais obscur et vicié par l’aveuglement. Les différentes conversations avec son beau frère ou sa fille établissent avec une lucidité glaciale cette volonté de passer à autre chose : « ils ont parlé, il a compris, il a compris », dit-elle ainsi à sa fille à propos des viols commis par son père sur son frère. Une phrase impossible, qui dénie la justice, le trauma ou la mémoire, et qui, à elle seule, explorait tous les enjeux du silence annoncé par le titre.
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le 15 janv. 2024
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