Ce qui frappe dés les premières secondes de ce "voyage", c'est que Samuel Benchetrit varie incroyablement les styles, à défaut d'en avoir un qui lui est propre. Ce même réalisateur qui avait merveilleusement révélé la beauté mystique de sa compagne Anna Mouglalis, la rend ici carrément insupportable.
Tant dans l'écriture que le jeu, son rôle est surfait dans l'excentrisme et mal tenu dans la folie. Il manque des temps calmes dans le tempérament de Mona afin de battre la mesure et amener une touche de sensibilité et de réalisme.
L'absurde, omniprésent, est une volonté évidente de réalisation. Mais malheureusement l'idée n'est pas maîtrisée et inefficace. On lit l'inspiration venue de chez les maîtres du genre. Hélas, c'est le moins bon de David Lynch, Quentin Dupieux..., qu'on aperçoit. On retrouve l'aspect quelque peu pédant d'Inland Empire, qui en était le seul défaut. Une approche ratée du genre. Comme c'était arrivé avec Wrong, le non-sens n'est là qu'insensé et ne possède aucune profondeur.
Ce malgré un scénario qui propose une conclusion presque pragmatique à cette folie. Si certaines interrogations trouvent des réponses intéressantes, le secret qui choque Céline Sallette notamment, d'autres restent dans le vague. La jeune actrice révélée par la série "Les revenants" joue très finement le non-dit. La situation du fameux voyage, au fort potentiel comique inexploité, fait partie des choix qui rendent le films aussi intriguant que repoussant. Inconsciemment on cherche à comprendre l'enjeu du récit et son absurdité, ce qui démontre d'une utilisation hasardeuse du genre. Le contre-pied de la scène de classe, pas si mauvaise d'ailleurs, est intéressant mais pas approfondi dans l'humour (absurde justement) qu'il peut provoquer. Le dialogue de cette quasi-ouverture du film promet un voyage de noce qui se destine en fin de compte en Suisse. Sans le charme d'un chalet, d'un station de ski...ou d'une banque. Non la Suisse qu'on cache, celle qui est moche, la citadine. Le décors est donc fait de vieux immeubles, de ciel gris et d'asphalte humide. Une scène fait tout de même respirer l'air frais de la montagne.
Le scénario et sa mise en image travaille drôlement la frustration du spectateur. Il manque une clé et c'est assez bien insinué pour qu'on le ressente. Mais les réponses ne sont pas amenées subtilement et progressivement pour nous permettre de lire petit à petit la situation. On ne peut apprécier ou adhérer au contexte ni même à sa conclusion donnée à la fin, bien qu'elle soit logique et intéressante sur le papiers.
La fin prend plus de court qu'elle ne saisit et ce parce que le film ne traite jamais du sujet qu'elle aborde. On suit les errances d'un couple en perdition. Ils se demandent si ils seront toujours ensemble à la fin du week-end, mais le savent finalement très bien. Ce manque de d'ailleurs de clarté. On cherche constamment à cerner ce couple et les fondements de leur relation, car là encore ça n'est pas très clair.
"Un voyage" ne nous invite pas suffisamment dans l'histoire de vie de ses personnages. Un film intimiste nous rend voyeur. La discussion d'un couple derrière soi au cinéma, d'une jeune femme devant nous à la caisse, de deux mamies à la boulangerie peut facilement nous captiver. Le temps d'une escapade on boit les détails dévoilant le tempérament des personnes et la nature de leur relation, bref leur intimité. Le cinéma permet de rendre saint ce voyeurisme. Ainsi de simples scènes de vie peuvent fasciner. Le repas par exemple en est tout un symbole, souvent utilisé. Ce qui nous donne une scène marquant très bien l'échec de ce film dans sa facette "histoire de vie". Au restaurant on ne voit jamais le couple manger, la scène est coupée par un montage affreux. Et surtout le dialogue est consternant de vide et de fausseté.
Aucun intérêt à nous faire suivre les amants qui marchent pendant près d'une minute (ou leur voiture quelque minutes plus tôt). Pas plus que de nous les montrer se baignant en plan large, pendant autant de temps. En revanche la scène suivante dans le bateau avait quelque chose de plus chiadé dans la photographie et le son et aurait méritée de durée plus que dix secondes.
Sous des airs de film d'auteur, Samuel Benchetrit signe surtout un essai raté. Plus parodique qu'original, "un voyage" se rate autant dans l'humour absurde que dans la sensibilité de l'intime. Exception faite pour la scène du paquet de clope, assez amusante et touchante.