Une affaire de femmes c’est d’abord l’histoire d’une femme, ou plutôt l’histoire de femmes. Tous les personnages sont quasiment féminins, et font autre chose que parler d’hommes. Il parlent de « choses de femmes » pour reprendre une expression du film. Il y a des prostituées, des mères désespérées, des bonnes catholiques, des « bonnes » tout court et des prisonnières. La difficulté de la guerre et la difficulté d’une époque où les femmes et leur corps appartenaient à l’Etat pour fabriquer l’espoir, disparu en ces années noires. Esclaves de la maternité. Mais ce film ne fait pas l’apologie de la maternité et de cet éternel féminin, dans ce film sur les avortements pendant la guerre, au contraire il évoque le poids de cette maternité incontrôlable, une femme qui vient se faire avorter après avoir eu six enfants en sept ans de mariage dit clairement « moi je les aime pas mes enfants ». Déçue du retour de son mari des camps de prisonniers, Marie ne renonce pas à ce pouvoir qu’elle a gagné pendant son absence. Plus rien ne redeviendra « comme avant », elle en a « marre de faire la boniche » dit-elle en lavant le pantalon de son mari qui s’est fait dessus pendant la nuit car il fait des cauchemars. Elle refuse l’isolement des femmes au foyer, elle fait des « affaires », et ne s’occupe que très peu des enfants, qu’elle laisse à son mari, qui lui sans travail se traine en pyjama toute la journée. Pendant que Marie loue ses chambres à des prostituées et pratique des avortements, son mari fait des découpages et des collages. L’amitié qu’elle noue avec plusieurs femmes semble bien plus forte que la relation avec son mari, ou même avec ses enfants. Une belle solidarité féminine se joue dans le film qu’on oserait presque appeler sororité. Isabelle Huppert interprète à merveille cette femme qui essaye d’exister en dehors de son foyer, loin des représentations de la femme douce, amoureuse, passive et nourricière des enfants. Certains y voient une femme froide et sans émotion, mais ne pas aimer son mari ne veut pas dire être une « pierre », sauf si vous choisissez le camp du juge qui la condamne à la fin du film