Binisti met en scène deux jeunesses dans deux mondes bien différents, que tout semble opposer, mais qui ne sont finalement qu'à 73 km l'un de l'autre.
Jeune israélienne d'origine française, Tal se pose des questions sur "les Palestiniens". Qui sont-ils? Comment peut-on être capable de se faire sauter dans un attentat à la bombe? Elle lance donc une bouteille à la mer, espérant on ne sait quoi. Lorsqu'un certain "gazaman" lui répond, elle saisit l'occasion de partir à la rencontre de ce jeune homme, Naïm.
C'est le début d'une relation épistolaire qui s'annonce compliquée, mais qui grandit et se renforce au fil des mails. Chacun apprend de l'autre et est influencé par lui, tout comme chacun souffre du camp de l'autre. Au delà de leur jeunesse, ce qui les relie c'est cette volonté, cet espoir, qu'un jour leur vie n'aura pas à être comme elle est aujourd'hui. Mais ils sont tous les deux conscients que les forces qui les opposent sont des forces qui les dépassent.
Binisti aura réussi l'exploit de nous parler d'espoir au milieu du conflit israélo-palestinien. Il se concentre sur deux personnalités pour décrire leurs conditions et la situation des deux côtés de la ligne verte. Ces deux personnalités font face à leur quotidien, plus ou moins mouvementés, et aux résistances de leur "camp" à leur choix de fraternisation. Ils sont tous deux prisonniers de leur identité : alors que Naïm se tourne vers le Français pour tenter de sortir de Gaza, où il ne fait qu'attendre les prochaines roquettes, Tal se demande comment être amie avec un Palestinien quand son frère est soldat à Tsahal? Comment regarder son frère en face alors qu'il revient d'une intervention à Gaza quand on est ami avec un Palestinien?
[ATTENTION, SPOILERS dans cette analyse]
Le parallèle entre ces deux mondes est particulièrement marquant. Binisti nous place sur la ligne verte, et nous fait regarder tantôt à l'est, tantôt à l'ouest. L'évolution du film, le déroulement de l'histoire et le renforcement de la relation entre Tal et Naïm, mènent à la destruction de la frontière entre les deux personnages. C'est d'abord une destruction lente, progressive, qui mène chacun à remettre en question ses idées reçues et à prendre ce que l'autre a à donner. Viens ensuite la destruction symbolique de la frontière lorsque Naïm traverse le check point et sort de Gaza pour aller étudier en France.
A eux deux, ils n'ont pas fait tomber le mur, mais ils ont fait tomber leur mur. Et c'est déjà énorme.Pourtant, ces deux vies ne rentrent pas en collision, elles ne font que se croiser. Peut-être qu'elles pourront enfin s'approcher pour de bon en France, mais en Israël, la situation ne le permet pas. C'est au-dessus d'eux.
Comme les personnages le soulignent dans un dernier mail : "ça m'a fait du bien de te connaître, et ça m'a fait du mal aussi. [...] Surtout ne change pas, c'est les autres qui doivent changer."
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