Le Miroir
La magie du Festival de Cannes, c’est aussi assister à des projections de films mystérieux dont on ne connaît rien en avance, sinon une image annonçant un film d’époque à la photographie alléchante...
Par
le 17 mai 2019
28 j'aime
4
Comment et par où commencer ? Je pense que le mieux serait de transmettre les faits comme je les ai vécus et exactement dans l'ordre temporel de leur
avénement.
Je me trouve dans la salle Debussy , n'ayant aucune idée du le film ni de son réalisateur , tout ce que je savais c'est que c'était un film russe . Il est alors évident que la slavophile invétérée que je suis ne pouvait être ailleurs que dans cette salle.
Un jeune réalisateur taciturne et avare de mots présente son film sans vraiment le faire , il remercie l'équipe et souhaite à l'assistance un bon visionnage , les yeux rivés au sol.
Je ne savais pas alors qu'à 27 ans, l'artiste présentait dèja son deuxieme long métrage à Cannes , mais qu'importe !
Le film surprend par son esthétique aérienne qui contraste avec le poids de la misère sur les lieux et les visages.
Leningrad 1945 , la fin de la guerre approche mais un combat plus écrasant se trame loin du front , dans le coeur de deux femmes que tout oppose et qu'un enfant unit. L'enfant , cet espoir fou , nourrit par toute la détresse d'une mère , l'antidote au non sens , à l'absurdité de la vie , la consolation de la faim, des viols.
Soudain et dans une scène irréelle , le petit guérisseur n'est plus , sa petite main inanimée sonne le glas.
Une réalité inadmissible pour la mère que la monomanie transfigure : il faut refaire l'enfant comme on refait un alibi , le refaire tout simplement , le concevoir à nouveau ! Impossible autrement .Mais comment ? l'essentiel c'est l'enfant , la conception n'est qu'une affaire de mécanique et de temps mais l'enfant est nécessaire et dèja tout se gatte.
Il faudra simplement amorcer la mécanique par delà l'homme , la femme , les corps et les coeurs rongés par la culpabilité et la honte. Le corps outil , l'utérus sacré seulment si plénitude il y a, sinon pourquoi vivre et pour qui ?
Un clin d'oeil manifeste ou inconscient au frère féminin de Tsvetaeva . Un hermétisme des rapports féminins qui frole le mal sain : énnemie et libératrice à la fois , voulue et sans cesse repoussée , ce magnétisme que le réalisateur suggère sans prétendre analyser installe une tension exquise à la mulholland drive.
Le film est d'une grande maturité technique et substantielle , 135 minutes où rien n'est de trop . Un chef d'oeuvre qui ne fait que nous conforter dans l'idée que quoi qu'on prétende savoir de la Russie et ses Hommes, ce territoire demeure innacessible aux douceureux rationnels que nous sommes. Cloitrés dans un manichéisme puéril, nous passons à coté de la complexité de l'âme humaine, ne faisant qu'éffleurer sommairement ses abîmes , comme par devoir. Prétencieux d'avoir depuis longtemps résolus les mystères de l'être par quelques raccourcis dèja foulés des milliers de fois et tellement ternes . Le grand ours nous rappelle la beauté du sauvage , du viscéral, de l'inexploré , tout en poésie. Un vent frais venu du Caucase murmure : l'art n'est pas devoir, l'art est poèsie.
Créée
le 6 juin 2019
Critique lue 751 fois
3 j'aime
D'autres avis sur Une grande fille
La magie du Festival de Cannes, c’est aussi assister à des projections de films mystérieux dont on ne connaît rien en avance, sinon une image annonçant un film d’époque à la photographie alléchante...
Par
le 17 mai 2019
28 j'aime
4
C'est une véritable composition picturale qui ouvre « Une grande fille", découvrant en gros plan Iya, vêtue d'une blouse ocre à col vert vif, statue figée par une crise de tétanie. Puis, la caméra...
Par
le 14 avr. 2020
21 j'aime
12
Léningrad (actuelle Saint Petersbourg), 1945 La guerre est finie depuis quelques mois à peine. Après 900 jours de siège non-stop par la Wehrmacht, des bombardements incessants, des millions de morts...
Par
le 12 août 2019
18 j'aime
48