L'arche russe.
« Le premier plan de son premier film montrait un enfant debout à côté d’un jeune arbre. Le dernier plan de son dernier film un enfant couché au pied d’un arbre mort. On pourrait y voir une boucle...
Par
le 4 avr. 2014
3 j'aime
Le documentaire débute par le plan d’introduction du "Miroir" d’Andreï Tarkovski. On y voit une femme de dos qui attend. Elle est assise et regarde l’horizon : une prairie en Russie. La caméra filme le chignon de la femme. Ce plan rend hommage au célèbre plan de "Sueurs Froides" d’Alfred Hitchcock, qui montre une femme de dos regardant un tableau. Il a été repris par Chris Marker lui-même dans "Le Jetée". Trois réalisateurs mythiques, trois univers, mais un unique plan-somme initiant une réflexion commune sur l’image et la mémoire.
"La Jetée" évoque l’histoire d’un homme à l'agonie hanté par le souvenir d’une image. "Une journée d’Andreï Arsenevitch", également réalisé par Chris Marker, poursuit cette réflexion. Il filme un Tarkovski sur son lit de mort à qui l’on montre le montage final de son dernier film intitulé "Le Sacrifice". Une fois le film passé, Chris Marker, en off, s’interroge : « Que pense alors Tarkovski ? Se rappelle-t-il qu’il s’agit bien là de son septième et dernier film, comme ce prophète le lui avait prédit il y a bien longtemps ? ».
En ayant ces quelques éléments en tête, le documentaire, par ailleurs passionnant, dépasse sa simple dimension pédagogique et invite le spectateur à envisager le cinéma comme un moyen de réfléchir l’existence.
"Une journée d’Andreï Arsenevitch" est la preuve que ce qui est présenté dans « La Jetée » n’est pas de la science-fiction. Chris Marker y re-présente l’histoire d’un homme au crépuscule de sa vie et dont l’existence tout entière ressurgit à travers un montage d’images choisies. En ce sens, le prologue, qui montrent le fils de Tarkovski découvrant son père, et l'épilogue, qui montre le père découvrant son dernier film, constituent un troublant miroir rappelant la structure de "La Jetée".
Au milieu de ces deux moments coule une rivière d’images racontant l’œuvre de Tarkovski. En évitant le piège de la chronologie ou de l’exhaustivité, cette partie centrale du documentaire évoque quelques clés qui permettent de mieux comprendre les films du réalisateur russe. Comme Chris Marker, ce dernier prenait grand soin de filmer les images fixes (le plus souvent religieuses). A l’inverse d’un certain cinéma américain, il cadrait la terre, souvent boueuse, depuis le ciel. Enfin (mais entre mille autres ambitions), il prenait grand soin de capter les temps les plus longs à travers de prodigieux plans-séquence mêlant les quatre éléments. C'est ainsi que sont très clairement intriquées les intentions cinématographiques de Chris Marker et Andreï Tarkovski.
Dans ce documentaire, on découvre enfin Andreï Tarkovski dans toute son humanité : plein d’humour et de malice, à mille lieues d’un Robert Bresson qui lui était pourtant si proche. Malgré les innombrables épreuves, il aura consacré son existence à imprimer la mémoire du cinéma et de bon nombre de spectateurs.
Pour poursuivre la réflexion, vous pouvez lire mes critiques de "La Jetée" et de "Rebecca".
Créée
le 18 mars 2023
Critique lue 16 fois
D'autres avis sur Une journée d'Andrei Arsenevitch
« Le premier plan de son premier film montrait un enfant debout à côté d’un jeune arbre. Le dernier plan de son dernier film un enfant couché au pied d’un arbre mort. On pourrait y voir une boucle...
Par
le 4 avr. 2014
3 j'aime
Si le documentaire est excellent en ce sens qu'il nous fait découvrir des images de Tarkovski dans sa vie privée ou derrière sa caméra, il reste un peu planplan sur l'analyse de l'oeuvre du cinéaste...
le 20 janv. 2017
2 j'aime
1
Documentaire qui va tristement se transformer en dernier hommage, Une journée d'Andrei Arsenevitch est aussi et surtout une belle analyse du cinéma de Tarkovski. Chris Marker, avec l’œil qu'on lui...
Par
le 18 oct. 2013
2 j'aime
Du même critique
On a parfois une image héroïque du résistant français qui défend son pays contre le nazisme. Jusqu'à ce que "L'armée des ombres" nous tombe dessus ! Purs anti-héros, les résistants de ce film vont...
Par
le 5 mars 2023
9 j'aime
2
Si vous ne savez pas ce qu'est le Technicolor, courez voir "Le ciel peut attendre" ! Cette comédie des années 40 décrit avec beaucoup de tendresse et de malice la vie de famille d'un homme depuis son...
Par
le 16 janv. 2023
5 j'aime
3
Huis clos par excellence, "Répulsion" invite à un macabre voyage durant lequel une jeune femme perd peu à peu pied avec la réalité. Ce film est à rapprocher du Locataire et de Rosemary's baby du même...
Par
le 14 janv. 2023
4 j'aime
3