Aucun risque de spoiler : la surprise annoncée (de façon abusive) dans la bande-annonce est levée au bout de cinq minutes : Romain Duris en femme, il est devenu elle.
Son problème, en fait, est rapidement élucidé : il n’est pas gay, ce n’est pas un pervers, pas une drag queen non plus. Simplement un homme qui aime s’habiller en femme, qui aime qu’on aime qu’il s’habille en femme, qui aimerait pouvoir en toutes circonstances s’habiller en femme. Et qui aime les femmes. Ed Wood (le metteur en scène célèbre pour ses nanars définitifs) en constitue un exemple notoire – d’où le titre de cette critique
David / Duris s’habillera donc en femme – et, quoi qu’en disent nombre de critiques, le personnage ne présentera plus dès lors aucune évolution. On assistera, presque à la façon d’un défilé de mode (mais très datée, très kitsch et vaguement très stressante) à la présentation de la dizaine de tenues (au moins) portées successivement par Romain Duris.
On retrouve aussi un problème très récurrent avec François Ozon – à partir d’un scénario a priori osé, dérangeant, déstabilisant, le réalisateur compose un film poli, lisse, académique où les thèmes osés sont dilués entre comédie (pas drôle) et « documentaire » : on apprend ainsi comment enfiler une robe, comment se faire cils et sourcils ou encore s’épiler à la cire. Aucune évolution, aucune progression, et tout cela finit par sembler très long.
(Cela dit j’ai été suffisamment dérangé par les apparitions assez stressantes, ou ridicules, c’est selon, de Romain Duris en sorcière de cauchemar pour ne pas dans l’immédiat souhaiter être dérangé davantage).
En réalité, les deux scènes les plus déstabilisantes, en écho, relèveraient plutôt de la nécrophilie : quand il déshabille et habille lui-même sa femme morte à l’intérieur du cercueil blanc ; quand elle le ré-habille en femme, au moment où il est plonge dans un coma profond sur son lit d’hôpital et que cette seule transformation suffit à la réveiller – pour qu’ils se retrouvent cinq minutes plus tard, main dans la main, dans la rue. Pathétique, métaphorique, émouvant ou grotesque ?
Pause.
Une intuition, après visionnement. Il faudrait sans doute prendre le film à l’envers. Considérer que le personnage apparemment clé interprété par Romain Duris est en fait simple, presque simpliste, et que le personnage principal du film, ce n’est évidemment pas lui.
Car elle par contre , à son contact prétexte, est soumise à une véritable évolution. Et même à une double évolution.
- Elle retrouve, avec lui en transformiste, son amie morte- qui avait toujours eu sur elle une influence déterminante. Elle la retrouve, peu à peu, en lui, mais cette amie n’en demeure pas moins très présente, très prégnante dans les souvenirs ou dans les rêves ;
- Puis elle finit par se libérer aussi de cette emprise – et c’est sans doute à ce moment que le film prend une véritable orientation sexuée et plus finement ambiguë ; cela avait été rapidement suggéré, à travers les costumes très masculins de l’héroïne (alors même que David / Duris ne cesse d’apprécier la beauté de ses robes) ou travers la présentation d’Anaïs Demoustier en mode androgyne – sans contradiction avec sa féminité, vraiment très belle. C’est elle qui verra les deux hommes, mari et amant (e), en rencontre sexuelle dans les vestiaires du tennis. Mais ce n’est qu’une hallucination, ou un rêve. C’est elle encore qui rêve d’une scène d’amour torride avec son amie morte sur les lieux de leur enfance. C’est elle toujours qui se bloque lors des deux tentatives physiques de sa part, à lui, sitôt qu’elle se heurte (au sens premier) à sa virilité.
Il y avait là, sans doute, matière à un récit complexe et sous tension - que la manière d'Ozon contribue à diluer.