De toutes les références du cinéma d’Horreur (et des avatars ‘incontournables’ du genre) voici celle qui fait tâche. Vendredi 13 (1980), mère de la saga populaire la plus longue de l’histoire de l’Horreur, est une contribution à celle-ci aussi désastreuse que Paranormal Activity. Contrairement à Scream, relativement responsable d’une certaine dégénérescence, Vendredi 13 est déjà lui-même d’une bêtise et d’une inanité remarquables (idem pour Paranormal). Méprisé par la critique à sa sortie et nommé aux Razzie Awards, Vendredi 13 s’est toutefois aussitôt imposé comme un film important et s’est installé aux sommets du box-office grâce à ses promesses tenues de violence radicale (comme le fera Saw en 2005).


Réalisé avec 550.000 $, Vendredi 13 devient très vite l’un des films les plus rentables de tous les temps. Les maquillages de Tom Savini mis à part, ce succès immense n’est pas dû aux qualités du film, lesquelles sont faibles quand elles existent, mais à son opportunisme. À l’époque, Sean Cunningham a enchaîné deux comédies romantiques qui n’ont pas fonctionnées. Le producteur de La dernière maison sur la gauche de Craven décide alors de revenir à l’horreur. Constatant le succès foudroyant de l’Halloween de Carpenter, il décide de l’imiter et charge le scénariste Victor Miller de préparer avec lui le film le plus effrayant de tous les temps.


Le slogan est là, les arguments choc aussi, pour le reste c’est le néant strict. Tout ce qui peut être accordé à Vendredi 13, c’est-à-dire son cadre et un semblant d’atmosphère, ne lui est pas propre : le film nage en pleine imposture et repompe entièrement La Baie Sanglante de Mario Bava (avec dans une moindre mesure, comme les autres classiques du genre, des éléments de Black Christmas). La bêtise tarantinesque ne s’arrête pas là, puisqu’en plus de la caméra subjective et de l’approche glaçante singées d’Halloween, Vendredi 13 emprunte à Psychose tout ce qui devrait constituer sa colonne vertébrale. Ainsi la présence de la bande-son et la nature de l’assassin dépendent totalement du film-phare d’Hitchcock, Vendredi 13 se contentant d’en évacuer les nuances dans les deux cas. La comparaison avec Les Dents de la mer, sur la dynamique narrative surtout, est aussi valide.


Définitivement falot Vendredi 13 brille aussi par son écriture médiocre et sa construction absurde, au point qu’en dépit de son style parfaitement terre-à-terre, il manque de vraisemblance tout le long. Ainsi les personnages disparaissent un à un pendant que les autres vaquent à leurs occupations. Ils s’expriment de façon ridicule, comme des jeunes vieux ou des vieux jeunes ; tout cela semble écrit par des robots primitifs, dont les conceptions écrasent les décalques pourtant peu ambitieux de films antérieurs et supérieurs. Le spectacle est rempli de longs moments de solitude, ces blancs immenses étant censément justifiés par l’attente du nouveau choc : Cunningham assume un film d’exploitation total, où on viendrait prendre sa dose d’images sanglantes et dérangeantes.


Le public a manifestement suivi, y compris pour les nombreuses suites, dont une bonne part balaie largement ce modèle. L’affection pour les choses idiotes n’est pas un crime, après tout, même pour un film flirtant avec la parodie. Car s’il renforce l’installation du slasher, sous-genre naissant grâce à Halloween, Vendredi 13 l’assimile déjà à la médiocrité, la facilité et l’absence d’invention comme d’exigence. Avec son camp Crystal Lake, il institutionnalise le camp de vacances assailli par les ‘perversions’ domestiques quelconques (la fornication des jeunes, donc) et le Mal, moins bras armé de la morale et de la frustration qu’état naturel d’un tueur aux mobiles rachitiques, à l’apparence ‘badass’, schizoïde fragilisé dans son enfance au mieux et improbable reste d’humain au pire.


Vendredi 13 est donc un film culte extraordinairement faible, dont le bas niveau est presque scandaleux, surtout à l’aune de sa réputation – son destin aurait du consister à s’évanouir dans la mélasse des nanars et du bis et là, n’être qu’un fantôme quelconque, une tentative vulgaire. Tout ce spectacle a un côté Video Gag, où la violence a pris la place de l’humour présumé. La tension est nulle : pas faible, nulle, c’est d’ailleurs une caractéristique étonnante de ce film – même si dans le cadre collectif, comme première expérience de l’horreur ou vu dans l’optique de contempler des éclats de violence, Vendredi 13 peut alors faire son office. Néanmoins l’indifférence pour l’action et les personnages domine. On voit les décors pittoresques, ce serait tout s’il n’y avait ces quelques meurtres d’une brutalité rare, seul aspect positif du film en somme.


Pourtant dans cette platitude absolue, une séduction s’exerce. Elle est très proche du plaisir de nanardeux, observant un film misérable avec de vagues atouts attachants. Avec Vendredi 13, on se facepalm et s’indigne des tricheries, néanmoins la réalisation est parfois intéressante : tout ce qu’il y a de bon relève du copycat, c’est du copycat infamant mais c’est là. Le potentiel de l’univers de Vendredi 13 est immense et le contexte des événements a un petit charme bucolique ; il fallait que quelqu’un s’y emploie, Cunningham s’y emploie, il se rate, mais il fait quand même le film. Les greniers, les granges, les cabanes dans les bois, l’absence de civilisation et ses quelques imports, la liberté, le vice et la bête : autant d’éléments géniaux, totalement sous-traités, endormis. Voilà ce qu’est Vendredi 13 : l’ombre des grands (Halloween, La Baie Sanglante, Psychose, Black Christmas) et une alternative qui ne sait pas valoriser l’environnement sur lequel elle met le grappin.


Contrairement à ce qu’un spectateur d’aujourd’hui s’attendrait légitimement à trouver, Jason n’est pas au rendez-vous. Le tueur ici y est lié, mais le personnage n’existe pas en tant que tel, encore moins ses apparats cultes ; il est même mort (tenu pour, ce sera la nuance du Chapitre 2) enfant et aperçu dans un flashback. Ces éléments seront découverts dans un final encore plus imbécile et ennuyeux que les soixante-dix minutes ayant précédés, marqué par une sorte de whodunit débile à en pleurer et de poursuite hilarante si sa stupidité ne laissait pas KO. Dans les chapitres 2 (le tueur du vendredi) et 3 (meurtres en 3 dimension), Jason fera son apparition et prendra forme, puis s’associera définitivement au masque de hockey dans le 4 (chapitre final).


https://zogarok.wordpress.com/2015/10/29/vendredi-13-1980/

Zogarok

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