Maximum Carnage
Venom réussit un double exploit, chose que l'on expérimente de plus en plus rarement au cinéma : ˗ Même en étant prévenu de la (non) qualité du truc que Sony appelle un film, il arrive encore à...
le 10 oct. 2018
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Il y a deux genres de films nuls qu'on va quand même voir en salle par honnêteté intellectuelle (et aussi un peu par plaisir de démonter un film, soyons francs) : Ceux dont on sait déjà que ça va être naze...et qui sont pires (c'est le cas de "Justice League") et ceux qui sont en effet pourris (notez la maîtrise des synonymes) mais pas détestables, presque attendrissants, un peu comme un enfant sans bras qui essaierait de faire de la balançoire. "Venom" entre dans la seconde catégorie.
On sait déjà tous pourquoi ce film ne pouvait pas être bon : faire un film centré sur Eddie Brock et le symbiote qui cultivent respectivement une haine viscérale envers Peter Parker et Spider-Man sans la présence de ladite araignée à l'écran, c'était pas malin malin. Ben oui, parce que du coup notre vilain (plutôt anti-héros dans ce film, et encore) n'a plus d'objectif, plus de raison d'être. Et c'est là que les scénaristes incompétents interviennent (on y reviendra).
Ensuite, "Venom" était voué à l'échec du fait de ses retournements de veste en termes d'intentions. Au début teasé comme sombre, voir gore (on rappelle que le hobby du truc, c'est de bouffer des têtes), le projet s'est peu à peu changé en divertissement familial tout ce qu'il y a de plus clean et consensuel.
Et l'essai perdant a été transformé par un script fainéant qui nous renvoie à l'aube pas très glorieuse des adaptations de comics Marvel au cinéma : les années 2000. Mélangez l'inconsistance et la banalité du scénario du "Catwoman" de Pitof au délire des expérimentations scientifiques des premiers X-Men (loin d'être mauvais mais aux ressorts narratifs largement éculés). Saupoudrez le tout de raccourcis scénaristiques scandaleux et d'incohérences grosses comme des maisons, de retournements psychologiques improbables, et vous obtenez sans doute l'un des pires scripts de films adaptés de comics de ces dernières années.
Allez, quelques bons points avant de démonter le film plus en détail : le rendu visuel de Venom est stylé et son aspect cartoonesque colle assez avec la vision du comics. Je pense notamment aux premières apparitions du personnage dans la série "Amazing Spider-Man", mêlant horreur et grand-guignol. Bon, le film pousse bien trop loin le potentiel "comique" de Venom, puisque la relation qu'il tisse avec son hôte rapproche plus le long-métrage d'une sorte de "buddy movie schizophrénique" que d'une quelconque histoire horrifique.
Un autre bon point... ? Le film a le mérite de ne pas être ennuyeux. M'voilà.
Ceci étant dit : le casting est complètement à côté de la plaque. Tom Hardy surjoue perpétuellement, même avant sa rencontre avec le symbiote. Michelle Williams, déchirante dans "Manchester by the sea", est ici réduite à un rôle secondaire inconsistant et superficiel. Quand à Riz Ahmed, pourtant si bon dans "Les frères Sisters", il joue "le grand méchant PDG d'une multinationale qui fait des expériences sur les gens limite par pur plaisir sadique et qui se prend pour Dieu". En terme d'écriture de personnages, ça se pose là.
Et puis, pfffff... J'ai la flemme d'énumérer tout ce qui ne va pas. Le film passe 30 minutes à nous faire comprendre que la compatibilité humains/symbiotes est ultra-faible et que la plupart des hôtes succombent lorsqu'ils absorbent l'entité extraterrestre. Et puis d'un coup, c'est la fête. Michelle Williams absorbe Venom pour les besoins du scénario et tout se passe bien. De même, une astronaute et une petite fille random absorbent d'autres symbiotes et restent vivantes. Et puis bien sur, le duel final est un remake encore plus pourave du combat Hulk/Abomination avec le méchant qui se retrouve lui-même porteur du king des symbiotes dont j'ai déjà oublié le nom.
Et puis bon, cette compagnie a quand même une vitrine très respectable derrière ses activités immorales. Du coup, on comprend pas trop quand le méchant envoie des drones se faire péter à travers toute la ville pour choper Eddie Brock/Venom. Je veux dire, il suffirait que la police observe les débris d'un des appareils pour se rendre compte que la compagnie est responsable de tous les dégâts, des morts, etc... On a connu des méchants fourbes plus fins.
Le retournement de Venom est tout bonnement incompréhensible. Il annonce à son hôte qu'il s'est pris d'affection pour son espèce et qu'il veut empêcher l'invasion de la Terre par ses congénères symbiotes (le plan du boss symbiote et du méchant PDG... vous suivez ?), congénères qui...ne peuvent pas survivre dans l'atmosphère terrestre. Oui, c'est très con.
Ah, j'ai pas encore parlé de la réal. C'est ultra-cut, souvent illisible. Les combats entres les symbiotes ressemblent à des batailles de pâte à modelée. C'est baveux, obscur, mal chorégraphié, d'une laideur incroyable. Allez, la scène où Venom tabasse des flics dans la brume, à la limite... on a un petit aperçu du potentiel anxiogène q'un film d'horreur centré sur Venom aurait pu avoir.
Pou résumer, "Venom" est l'exemple même de tout ce qu'il ne faut plus faire dans un blockbuster. Plus de conspirations industrielles/scientifiques, plus de personnages féminins inconsistants attendant d'être reconquis par le héros, plus de scènes ultra-cutées qui confondent rythme et vitesse, plus de dégueulis numériques et surtout, surtout... plus de projets dont la direction fluctue en fonction de ce que les producteurs pensent être les attentes du public. Il ressort de "Venom" l'impression d'avoir vu un film avec 15 ans de retard sur son époque, ringard, opportuniste, pathétique.
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Créée
le 16 oct. 2018
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