Chacun pour soi
Un western en bonne et due forme, galvanisé par une donnée d’importance : c’est la guerre continue. Pas une seconde de répit dans ce jeu de trahisons et de retournement, d’alliances contraintes...
le 1 sept. 2013
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Le plaisir, resté intact, qu'on prend à voir ce vieux western de Robert Aldrich tient surtout à deux choses : une histoire insolite, passionnante (avec plein de péripéties qui se succèdent à toute allure et nous enchantent ou déroutent jusqu'à la fin) et l'étonnante composition de Burt Lancaster qui crève l'écran dans un séduisant rôle de cow-boy qui, presque uniquement motivé par l'appât du gain, ne connaît qu'une loi, celle de son revolver et qui, cependant, tombe en amitié pour cet ex-"colonel" sudiste (joué par un Gary Cooper, toujours excellent mais, ai-je trouvé, déjà un peu sur le déclin) qui vient à croiser sa route, lui tient la dragée haute et lui sauve la mise plus d'une fois, tout au long de l'aventure.
Aucun temps mort dans cette histoire dont le contexte général déroutera très vite, pendant la première moitié du film, tout spectateur n'étant pas un spécialiste de cette période troublée, au contexte assez surréaliste, même si historiquement vrai.
On est fin 1865, début 1866, au Mexique. La Guerre de Sécession s'étant terminée il y a quelques mois, l'ex-colonel sudiste Benjamin Trane, fraîchement démilitarisé, cherche à s'employer d'une manière ou d'une autre dans la guerre civile qui fait rage en ce moment au Mexique. Cette guerre oppose les troupes françaises de Napoléon III (notamment, une très insolite cavalerie de lanciers) qui ont établi et cherchent à consolider dans le pays un empire catholique latin aux forces républicaines mexicaines du président Juárez, essentiellement de pauvres péones, nombreux et braves, mais mal équipés et peu rompus à l'art de la guerre.
Dès les premières scènes du film, Benjamin Trane / Gary Cooper fait la connaissance de Joe Erin / Burt Lancaster, joues mal rasées, sourire éclatant et ambigu, qui se révèle être le chef d'une bande de pistoleros sans foi ni loi, personnifiés entre autres par Ernest Borgnine et Charles Bronson. Trane et Erin, tous deux fines gâchettes s'il en est, sympathisent assez vite et sont bientôt enrôlés, avec leur bande de pistoleros, par un insolite (pour les lieux) marquis Henri de Labordère (Cesar Romero), proche et fidèle de Maximilien 1er... qui fut l'éphémère empereur du Mexique (1864-1867), parachuté sur ce trône par les conservateurs mexicains, avec l'assentiment et le soutien militaire de Napoléon IIl (pour des raisons politiques assez chimériques, mais on ne va pas rentrer là-dedans).
Erin, Trane et leur bande d'aventuriers arrivent donc à Mexico et y rencontrent l'empereur du Mexique (Maximilien de Habsbourg, frère cadet de François-Joseph empereur d'Autriche et roi de Hongrie, ce qui ne lui évitera pas de mourir fusillé en juin 1867, sur ordre de Juárez le président du Mexique), lors d'une grande réception avec toute sa cour (et la reconstitution hollywoodienne de tout ça vaut son pesant de cacahuètes). Ils se voient confier la tâche (bizarrement futile) d'escorter le carrosse d'une certaine comtesse française jusque Vera Cruz où elle ré-embarquera pour la métropole. Bientôt, une troupe étonnamment fournie chevauche vers Vera Cruz ; il y a, pour accompagner la comtesse, nos deux super-gâchettes, leur bande de pistoleros, plus le marquis de Labordère et une bonne vingtaine de lanciers français...
Erin et Trane découvrent très vite que le carrosse est lourdement chargé et dissimule, sous son plancher, un trésor de plusieurs millions de dollars en pièces d'or, qui doit financer l'envoi de nouvelles troupes françaises au Mexique. Ils décident de s'en emparer et de se le partager moitié-moitié. Mais la comtesse a, elle aussi, le projet de s'approprier le trésor et a pour cela son propre plan. Comme, enfin, les partisans de Juárez, en l'occurrence une armée de plusieurs milliers d'hommes commandés par un certain général Ramirez, ont eux-mêmes été informés de la précieuse cargaison et sont bien décidés à s'emparer du trésor transporté qui financera la totale libération du Mexique et l'établissement définitif de la république, le carrosse et son escorte vont connaître un trajet chaotique, réservant mauvaises surprises et revirements de toutes sortes.
Aldrich ne lésine devant rien pour donner du pep à son western : traversée de rivière, paysages somptueux (la troupe montée passe notamment au pied d'une imposante, magnifique pyramide aztèque), embuscades, chevauchées et poursuites haletantes, fusillades diverses, encerclement, changement d'employeur pour Trane et Erin, etc... et bien sûr une aventure sentimentale pour chacun des deux "héros" (Joe Erin avec la capiteuse comtesse / Denise Darcel et Benjamin Trane avec Nina, une jolie et effrontée péon / Sarita Montiel, dont le coeur bat surtout pour la république mexicaine).
Vera Cruz (1954) est l'un des tout premiers films de Robert Aldrich. On sait qu'il se démarque des classiques et très moraux westerns fordiens et annonce, avec 10 ans d'avance, le "spaghetti western" de Sergio Leone (où les cow-boys s'apparentent à des ruffians égocentriques, dont le seul objectif est de s'en mettre plein les poches) et même Sam Peckinpah, par son final amer, pessimiste et crépusculaire qui, moi, m'a surpris et dérouté.
Mais encore une fois, l'intrigue, riche et variée, est menée tambour battant, jusqu'au bout. La distribution, dominée par Burt Lancaster (remarquable) et Gary Cooper (un ton en-dessous), fait des étincelles (sauf peut-être la comtesse que j'ai trouvée assez commune). C'est bien photographié par Ernest Lazlo. Il y a de belles couleurs, parfaitement restaurées.
Je suis sorti ravi de ma séance. Vera Cruz fait partie de mes dix westerns préférés. Si vous ne l'avez jamais vu, n'hésitez pas.
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Créée
le 23 juil. 2019
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