Le sujet n’était pas dénué d’intérêt : Misako pratique l’audiodescription, qui permet aux non-voyants d’avoir accès au cinéma.
Elle fait ses débuts, et bute sur un dénouement, pour lequel les mots qu’elle choisit ne convainquent pas l’équipe à laquelle présente son travail.


Le débat sur la subjectivité du voyant et la part d’interprétation s’immisçant dans une description qui se doit pourtant de restituer une atmosphère et une tonalité est fécond, et trouverait toute sa place dans un documentaire sur le sujet, piste que semble suivre un temps le récit.


Même si elle nous fera subir ce dénouement du film dans le film un nombre incalculable de fois, Naomi Kawase ne se limite pourtant pas à cette question.
Entrent en scène un photographe qui perd la vue, une mère qui perd la raison, autour d’une Misako qui semble aux abois pour pouvoir perdre sa virginité. Les thèmes s’empilent comme sur une pièce montée, et l’indigestion guette rapidement.


On peut comprendre la tentation d’une cinéaste à traiter en abyme de l’art qui l’occupe : le regard porté sur l’univers, la perte comme révélatrice de l’essentiel, le deuil et l’adieu à la beauté du monde.
Mais lorsque la beauté en question est d’une telle mièvrerie, il est difficile de souscrire à sa démonstration. Une plage, des crépuscules ad libidum délicatement magnifiés par un abus de lens flare, des contre-jours et une musique cristalline au piano, rien ne nous sera épargné.


Cette alliance entre la dissertation et la romance achève de saborder toute l’entreprise. On s’ennuie ferme, d’autant qu’on a compris dès le premier quart d’heure le tour d’une question qui ne sera jamais élargie. La seule finalité réside dans cette petite chansonnette mélancolique qui table sur la répétition pour accroitre sa portée bouleversante. Mauvais calcul.


La cécité, c’est connu, accroit les autres préperceptions. Le photographe sera donc en mesure d’affirmer des choses comme « Rien n’est si beau que ce qui s’apprête à disparaître », même si nous pensions l’avoir formulé par nous-même bien avant lui, et « j’entends ton cœur qui se serre », ce pour quoi nous ne pouvons que lui laisser l’exclusivité.


Misako, de son côté, sera à même de mettre des mots sur un épilogue en abyme tout aussi baigné de crépuscule que le récit encadrant, retrouvant aussi maman paumée dans les arbres grâce à son nouveau sens de l’orientation fondé sur les sentiments et l’empathie. Symboles.


Un seul mérite surnage de ce film : la pesanteur de son didactisme nous rappellera qu’il faut tout de même mieux voir ça que d’être aveugle.

Sergent_Pepper
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le 11 janv. 2018

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