Le vieux con a cette fâcheuse tendance à penser qu’en assumant haut et fort ses défauts, ces derniers seront officialisés comme faisant partie intégrante de sa personnalité – et, de ce fait, acceptés par tous, alors qu’ils seront subis avec une douleur plus grande encore.
C’est l’état d’esprit que semble prendre Nanni Moretti dans ses dernier films, et particulièrement Vers un avenir radieux, en sélection automatique à Cannes cette année, alors que son collègue **Bellocchio **représentait pourtant avec dignité le cinéma transalpin.
Jamais à court d’idée lorsqu’il s’agit de baver un énième ego trip, Moretti se sert à la louche dans les clichés pour nous resservir l’autoportrait du cinéaste frustré de ne pouvoir faire un film que tous les cinq ans (si seulement c’était le cas pour celui qui le filme, son inepte Tre Piani étant sorti en 2021), et exténuant tout son entourage par des dissertations bavardes sur l’état du monde, de l’art, de la politique et des relations conjugales. Il est par ailleurs particulièrement ironique de voir se déployer à l’écran toute la grande machinerie d’un tournage, et de penser qu’il en fut de même pour tourner un film aussi plat, désincarné et dénué de toute vitalité.
On pourrait se contenter de s’ennuyer avec indifférence face à cette avalanche de situations convenues, mais le cinéaste ne nous en laissera pas l’occasion. Dans une séquence de tournage, il reste dans le champ après avoir dit « Action », résumant à peu près toute l’entreprise de son film : une pénible prise d’otage. Mais comme Moretti se prend pour Fellini en intégrant des cirques et des danses d’équipe, et qu’il vomit un name dropping constant, de Cassavettes à Kieślowski en passant par un appel téléphonique à Renzo Piano, il pense que tout cela passera pour un savoureux autoportrait plein de tendresse et d’autodérision.
Bien sûr, rien de tel que de regarder l’époque avec distance pour se poser en vieux déconnecté (comprendre : figure du sage), en moquant la violence des films coréens et l’ineptie markéting des réunions chez Netflix dont on aurait presque envie de soutenir la ligne éditoriale si elle pouvait venir à bout de sa carrière. Pour le reste, on restera sur des valeurs sûres (hahaha ma fille sort avec un vieux, hohoho ma femme veut me quitter et en parle à son psy, hihihi plus personne n’est de gauche), dans une terrine tempérée au goût bien rance qui finira dans un défilé de liesse en carton.
Initialement, le personnage principal de son film devait se suicider ; Moretti a préféré assassiner son spectateur.