Nanni Moretti pétille d'énergie dans cette nouvelle comédie rafraîchissante, Il sol dell'avvenire, embellie d'auto-dérision et de plaisirs personnels de la part du réalisateur italien. C'est un long-métrage doté d'une réalisation forte, multipliant les décors et les plans travaillés où déambulent des actrices et des acteurs investis, à commencer par Nanni Moretti des plus dynamiques à 69 ans. Mathieu Amalric, Margherita Buy, Valentina Romani, Barbora Bobulova, Silvio Orlando participent notamment et admirablement à cette touche de vie dans le film.
De plus, Moretti nous livre deux films en un, témoignant d'une redoutable maîtrise du récit. D'un côté ce film autour des années 1950, traitant du Parti communiste italien face à l'insurrection de Budapest. En tant que film solitaire, le propos serait déjà intéressant et maîtrisé mais le réalisateur le met sous une optique de réalisation. En effet, le deuxième film parcemé en parallèle, évoque la réalisation et la production en elle-même questionnées par la vie du réalisateur Giovanni qui fait face à certains obstacles. C'est donc un amas de films parfaitement associés, ayant du répondant l'un à l'autre à travers des étincelles de vie, de cinéma, de comédie et d'ironie avec un réalisateur/acteur si explosif.
Le cinéma macabre ?
Personnage nostalgique et profondément artistique, Giovanni noue un lien particulier avec le Septième Art. Véritable cinéphile, il forge des rituels comme regarder Lola de Jacques Demy en compagnie d'un intérêt délaissé venant de sa fille et de sa femme. Il palabre avec vivacité au risque de divulgâcher quelques scènes de certains films, le faisant avec tant de ferveur que le spectateur peut voir la scène avec lui, spécifiquement le Kieślowski.
Le film abonde de références au métier aussi bien dans sa productivité que dans sa production, puis dans ces moments de tournages tantôt réussis du premier coup, tantôt entrecoupés par quelques obstacles. L'improvisation et l'imagination des actrices/ acteurs en sera un point comique efficace face à cet acharnement louable du réalisateur pour son œuvre. On ne fait pas du Cassavetes mais bien du Giovanni : le texte est capital, le Staline dégage, les titres originaux des journaux sont trop longs, le film est politique, pas d'objets anachroniques, le divertissement par la violence est disgracieux, réaliser des films qui n'intéressent pas la grande majorité du public, etc.
Et que l'on soit d'accord ou non avec ce personnage enclin au cinéma plus "artistique", Nanni Moretti ne fait pas preuve d'intolérance vis à vis de la société, il en a conscience et en joue avec ironie avec ce double si ressemblant. Il use effectivement de ressorts absurdes pour aborder ses scènes, sa fille en couple, le perfectionnisme du réalisateur ou encore ce moment étiré du dernier plan fade de la violence à la mode, qu'il vit finalement en partant, désespéré tandis que la scène se tourne sous l'apaisement de toute l'équipe.
L'amour mourrant ?
Le thème de l'amour serait à reléguer au profit du politique, c'est du moins ce que révèle le film dans le film. Pourtant, dans la globalité de l'œuvre, se concentre la question de l'amour dans la vie de Giovanni mais également du monde environnant. La perte de l'amour est traité de façon posée et intelligente, l'envie de se séparer dans une bonne entente en ayant conscience de la difficulté pour chacun, avec Giovanni son entourage semble être constamment sur la corde raide. Un parallèle magnifique est exploité avec un jeune couple, du cinéma où le réalisateur sans mêle pour forger les répliques, à une dispute en voiture où cet amour se délite pour enfin tournoyer dans l'herbe verdoyante accompagné de leur progéniture. L'espoir imbibe le film et relégue finalement la politique ainsi que le pessimisme au second plan.
Le film est riche, et nous pourrions évoquer également l'amour homosexuel à cacher pour préserver le parti communiste italien, ou encore la relation hors du cadre de Vera et Ennio.
Des tourbillons musicaux de son film rêvé dans son film de son film
La musique s'incarne comme un bijou rafraîchissant jouant avec l'irrationnel des scènes et la joie de vivre. Entre autres, un Nanni Moretti qui chante et fait chanter en cœurs son équipe, puis qui lance Think de Aretha Franklin et tape au rythme de la chanson avec dynamisme, ou encore ce tourbillon après la réflexion dans le cadre, entraînant les acteurs, les spectateurs, tout est communicatif. Enfin, la dernière scène s'échafaude sans échafaud, la victoire et la fin du film en parade spectaculaire, sous l'ensemble des personnages, des acteurs et probablement de l'équipe du film : un bel hommage.