Comment vit la jeunesse d'Israël, que se passe-t-il loin des lieux de pouvoir et de conflit, comment se construit-elle? Quelques jours après la décision de la Knesset, j'ai vu VIERGES, le film de Keren Ben Rafael, et je me suis dit que là, ici ou ailleurs, la fiction-documentaire ou vice-versa, nous donne à voir une jeunesse en attente... à nous d'imaginer le but ou la suite!


C'est une séquence de l'histoire d'une adolescente, rebelle et créative dans ses seize ans, seule avec sa mère, tenancière d'un café sur la plage dans une station balnéaire israélienne, Kiryat-Yam, où pas grand monde semble s'y retrouver. Elle ne rêve que de partir pour Tel-Aviv. On ne sait pas très bien pourquoi, pour devenir femme..., sans doute pour s'émanciper, élargir son champ de relations limitées à ses trois copains, fuir de ce lieu confiné malgré son espace ouvert vers la mer. Issue de l'émigration russe, sa mère (Evgenia Dodina) n'est pas loin de vouloir aussi aller ailleurs mais où, tant qu'elle tient son bistrot à peine fréquenté, dont deux retraités devenus amis, qui ne consomment pas beaucoup et son amant, maire de la ville à l'aise dans des petits arrangements pas très réglos.
Deux arrivées, bouleversent cette quiétude inquiétante, la cousine de Lana (orpheline de dix ans qui vient passer quelques jours de vacances) et celle, plutôt passage, d'un beau jeune journaliste à la recherche de sensationnel et d'apaisement...!
Le décor est planté et Ben Rafael nous fait partager son premier film, avec des belles prises de vue de cette plage peu captivante et qui rassemble la vie de ce bord de mer.
C'est là que Lana (Jon Rieger) traduit pour Chipi (Michael Aloni), en inventant les propos des pêcheurs dont un aurait vu au large une sirène. Oh la belle trouvaille, quand rien ne se passe voilà une belle occasion pour attendre quelque chose...! Et de là toute la population se mobilise, le Maire y voit même un beau filon... En fait personne n'y croit et tout le monde l'espère. Il n'y a que le vieil homme client du bistrot, Vladimir qui, enfant sur le bateau amenant sa famille en Israël, aurait vu surgir de la mer la sirène, mais sa maman lui a caché les yeux devant la nudité... C'est peut-être lui le seul qui n'est pas dans le "buzz" de l’événement mais dans le fantasme de son rêve d'enfant... quand il prend une barque à la tombée de la nuit dans l'espoir de la retrouver et la voir surgir des eaux loin de la plage!
Comme s'il représentait cet espoir qu'une autre vie soit possible, harmonieuse, pour un peuple en attente. En hébreu sirène se traduit par «vierge de la mer». Et c'est aussi de cela dont il s'agit pour Lana qui voit dans la perte de sa virginité l'émancipation, alors que sa mère lui dit «je ne me souviens même plus la première fois» et la petite cousine qui, à son tour veut accompagner le vieux Vladimir pour trouver la «vierge» dans la mer...!
Pour la réalisatrice, qui travaille entre Paris et Tel-Aviv, ce lieu l'a inspiré, "une ville d'immigrés où l'on entend davantage parler le russe et l'éthiopien que l'hébreu", dit-elle. Avec une "architecture un peu russe, l'immensité de ses plages désertes, l'atmosphère pesante figée dans les années 1980 où les gens marchent lentement".
On sort du film de Ben Rafael avec l'idée que là, comme ailleurs, une jeunesse se désespère et se conforme, comme elle peut, à la vie qui va! Et un premier film a soutenir par ce regard alerte et pour son attention à l'autre.
https://blogs.mediapart.fr/arthur-porto/blog/050818/vierges-de-la-mer

ArthurPorto
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le 4 août 2018

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ArthurPorto

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