Villegas
Villegas

Film de Gonzalo Tobal (2012)

Deux cousins trentenaires autrefois proches, séparés à présent par des choix et des modes de vie opposés, réunis malgré eux pour se rendre aux funérailles de leur grand-père dans une région agricole éloignée de Buenos Aires et peuplée de fermiers de classe moyenne, vivant plutôt correctement de leur activité, cela semble augurer d’un programme aisément déclinable : la difficulté, voire le refus, de grandir et d’entrer dans l’âge adulte, l’indolence apparente qui empêche le mouvement ou l’élan et enfin la confrontation, sans doute pour la première fois, à la douleur et à la perte sont en effet des thèmes abordés par Gonzalo Tobal, argentin né en 1981 qui signe avec Villegas (du nom du village d’où sont originaires les deux cousins Estéban et Pipa) un premier film bourré d’un charme indéniable, niché dans les détails en apparence anodins de séquences à deux (les cousins sur la route du départ et du retour) et de groupes (l’enterrement de l’aïeul, la sortie du soir pour retrouver les copains d’enfance, la visite à la ferme pour y découvrir les dernières innovations et y partager un barbecue improvisé).
Sans doute parce que le propre vécu du réalisateur recoupe la trajectoire empreinte de contradictions de ses deux héros, le film sonne étonnamment juste, aussi bien dans la description de Pipa, le rebelle contre l’héritage familial qu’il regarde avec hauteur, préférant endosser le costume somme toute confortable de l’incompris blâmé, que dans le portrait d’Estéban, tout à fait prêt à se conformer à l’image que ses aînés ont esquissée pour lui : mariage, famille, carrière. Entre l’un qui refuse et n’en éprouve que ressentiment qu’il exprime au travers d’une agressivité à fleur de peau et une attitude bravache exagérée et l’autre qui se plie sous le poids de la raison et des responsabilités, quitte à soudain ne plus avoir tellement d’états d’âme à enfreindre les règles établies, subsistent un passé et des racines tenaces où les moments partagés préalablement autour d’un projet de devenir musicien ne peuvent réellement s’occulter, prêts à resurgir et à être réanimés au cœur d’un silo transformé en cocon protecteur et coloré, offrant au film sa plus belle scène. Loin des portraits habituels d’une jeunesse urbaine erratique et déboussolée que le cinéma argentin affectionne, Villegas en s’intéressant aussi à la classe moyenne des fermiers qui, à la différence des jeunes citadins égarés, ne semble guère inspirer les cinéastes du cru, offre ainsi un regard singulier et touchant sur les doutes existentiels de deux cousins percevant chacun à leur manière que ce voyage inopiné de trois jours, contraint et forcé, pourrait bien constituer l’excellente, sinon unique, occasion de prendre leur destin en main.
PatrickBraganti
7
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le 8 nov. 2012

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