Violence en réunion par Plisskendune

Il est rare que je sois extrêmement enthousiaste suite au visionnage d'un court-métrage. J'ai souvent tendance à considérer que la longueur d'une oeuvre est absolument déterminante dans le ressenti du spectateur, et la durée de celle-ci est souvent à elle seule un facteur d'émotion permettant à son auteur d'amener viscéralement une quelconque réflexion sans jamais expliciter son propos. Un problème récurrent dans les courts-métrages que je vois est l'incapacité à allier l'idée de poser un univers et de faire ressentir le propos de son film. Ce dernier étant souvent explicité dans les trois dernières minutes de l'oeuvre, comme si suite à la présentation de l'univers dépeint le récit se devait absolument d'être conclu, je n'avais jamais ressenti en 15 minutes ce qu'un film est capable de me faire ressentir en 1h30. Mais Violence en Réunion s'avère être un véritable bijou dans le genre. Un chef-d'oeuvre qui à contrario de ces courts-métrage s'évertuant à utiliser la structure narrative d'un film de cinéma, utilise la structure que lui permet son format court pour faire ressentir viscéralement des émotions rarement atteintes dans un format long.

La violence dépeinte dans le titre s'illustre dès l'ouverture. Violence contre un homme réduit, en total décalage avec le monde qui l'entoure. Violence qu'il va finalement faire perdurer à sa manière comme seul moyen d'expression. Et violence qui va finalement contaminer toute une communauté.
En seulement 15 minutes, Karim Boukercha orchestre un malaise allant crescendo, et qui ne faiblit absolument jamais. Cette violence est ressentie par un montage alterné montrant d'un côté Vinz (Vincent Cassel reprenant d'une certaine manière son personnage de La Haine), exténué et à fleur de peau nous racontant son histoire, et de l'autre côté cette histoire absurde de lui portant une burqa pour emmerder les flics. En alternant ses deux visions, mais constituant sans que l'on ne s'en rende vraiment compte un seul et même point de vue (ce qui est l'un des points les plus importants du film), on se retrouve ainsi à observer un homme dont il nous est impossible de vraiment comprendre les agissements. On assiste donc, impuissant, à la mise en opposition de deux communautés, et dont l'absurdité des actes, des réactions et de leurs répercussions s'avèrent absolument terrifiante. Ce malaise est d'autant plus accentué par un choix particulièrement couillu de le part de son auteur d'utiliser la burqa comme un élément fantastique lui permettant d'instaurer une ambiance à la lisière du cauchemar.

Ce qui provoque une véritable fascination avec ce film, c'est justement son refus d'apporter toute forme de réponse à ce que l'on est en train de voir. En donnant presque l'impression d'avoir assisté à une oeuvre abstraite, chaque évènement se peut d'avoir un double sens, et le spectateur voit ainsi un très grand nombre de questionnement se dresser face à lui pendant le visionnage. Que ces questionnements soient politiques ou tout simplement humains, Violence en Réunion fait partie de ses oeuvres qui permettent uniquement par le sensitif d'amener le spectateur à remettre en cause ses aprioris, ses jugements de valeurs et l'idée même de fonctionnement de l'humanité. Donc franchement, passer à côté serait très bête. Probablement que les amateurs d'idées toutes faites aimant qu'on leur dicte explicitement un propos trouveront de quoi s'insurger face à l'apparente immoralité du film. Mais vu qu'ils font chier dès qu'ils ont l'occasion d'enfin réfléchir quand ils ont un bon film face à eux, au bout d'un moment je les emmerde...