Dès le premier instant, nous savons. « Cécilia fut la première. »
Vraiment ? Vont-elles vraiment TOUTES mettre fin aux battements de cœur de leurs si jolis corps et sourires (oui on en est déjà amoureux) ? Oui. Mais on n’aura de cesse d’espérer le contraire, prenant au pied de la lettre le moindre petit fantasme des voisins d’en face pour s’accorder encore un peu de temps avec ces filles…
C’est d’ailleurs du point de vue de ces jeunes garçons en fleurs que l’on assiste au destin tragique des sœurs Lisbon : cantonnés à des détails, des bribes, des esquisses et des effluves de ces anges de la mort éthérés, c’est une petite collection fétichiste qui se créée et tente de capter l’essence même de cette fratrie divine. Impossible. Et malgré sa position privilégiée, impossible pour le spectateur aussi.
Et cette métaphore des arbres morts à abattre, ce plan de 4 arbres condamnés, juxtaposé à ce time lapse édifiant et surréaliste de la prison cajolée qu’est devenu le foyer. L’intérieur lui-même de cette maison/chambre funéraire est enfumé par la bêtise adulte, sens propre et figuré.
Sofia Coppola filme à travers un objectif nostalgique et pur une jeunesse en questionnement, qui veut vivre mais se retrouve enfermée dans la cage dorée de la belle vie américaine. Jetant la pierre sur des adultes rigides, fous, ou immatures au possible, s’appelant à pas d’heure pour piailler sur le nouveau décès du coin, cela ne fait que renforcer la tension entre le groupe des filles Lisbon et celui des garçons. Sans parler d’Air qui signe une BO intrigante et morbide qui colle littéralement à la peau des protagonistes nocives de ce semblant de teen movie funeste.
Le film est un fantasme érotique, comme on essaye de voir à travers une dentelle portée par une jolie fille, on devine, on tente de s’approcher, mais la barrière est là, aussi fine et belle soit elle, gardant bien son secret... Par-delà l’érotisme charnel, il en est un certain à trouver du côté de la mort, comme si ces sœurs avaient la réponse à toutes les questions que l’on se pose à propos du dernier voyage, comme si elles nous narguaient de leur suicides en jupons, comme si elles nous draguaient depuis leurs tombes.
Au fond, elles n’étaient probablement même jamais vivantes, mortes amoureuses ou fantômes, apparitions spectrales ou angéliques, ces 97 minutes, c’est comme regarder dans un morceau d’ambre, admirer la beauté de la mort en face, et en tomber amoureux.