Enfin le film ! Pouvait on lire comme accroche publicitaire sur l'affiche du film Vive les Femmes ! première adaptation cinématographie d'une BD de Reiser lors de la sortie . Pourtant il n-y avait pas vraiment urgence tant l'idée de transposer le trait si particulier et l'humour féroce du génial dessinateur était un pari complètement casse gueule et presque voué irrémédiablement à l'échec.
Vive les Femmes ! nous embarque dans un film dans lequel nous allons suivre les aventures amoureuses et sexuelles de deux amis hommes Bob et Mammouth et de deux copines Vivianne et Ginette. Du quotidien, aux vacances les quatre protagonistes vont croiser toute une galerie de personnages tout aussi médiocres qu'eux.
Même si il s'en sort un peu mieux que Bruno Zincone et sa très médiocre version cinématographique du Gros Dégueulasse deux ans plus tard, Claude Confortès ne parvient pas vraiment à faire de miracles et se heurte aux mêmes difficultés d'adaptation. La structure même de la BD de Reiser avec ses courtes histoires, et quand bien même Claude Confortès essaye d'en extraire une seule et unique intrigue, fait que Vive Les femmes ! ressemble à une succession de sketchs inégaux reliés entre eux par quelques personnages. L'aspect est forcément un peu décousu mais l'envie d'inscrire toutes ces petites histoires dans un grand tout reste assez louable de la part du réalisateur aidé dans l'écriture par Reiser lui même. En revanche (Mais est-ce seulement possible ?) le réalisateur ne parvient jamais à rendre la noirceur et l'acuité acide avec laquelle Reiser savait croquer avec tendresse et férocité les médiocrités humaines. La caricature du trait si particulier du dessinateur faisait passer les pires horreur avec délices et humour mais une fois incarnés par des acteurs et des actrices en chair et en os, la caricature devient souvent cabotinage et l'impertinente grossièreté se transforme en banal vulgarité. A coups de feutres Reiser tapait souvent fort mais il tapait toujours juste, alors qu'ici on a souvent la sensation que ça tape surtout un peu de travers. Il reste fort heureusement quelques scènes d'une méchanceté réjouissante qui fonctionnent toujours parfaitement comme ce couple qui s'engueule et qui en fout plein la gueule à leur pauvre gosse qui sert d’intermédiaire ou cette jeune femme attendant sous la pluie qu'une âme charitable vienne l'aider à changer sa roue … Pour le reste, un dialogue, un bon moment, un instant de cruauté viennent parfois éclairer un film qui manque autant d'ambition esthétique que de de pertinence à faire pleinement exister l'univers de Reiser.
Pourtant revoir Vive Les Femmes ! exactement 40 ans après sa sortir reste une expérience assez jubilatoire tant ce type de production semble définitivement appartenir au passé. Je ne vous jouerai pas le refrain du c'était mieux avant avec la mélodie du on ne peux plus rien dire; mais on reste en droit de s'interroger sur l'impact qu'aurait un tel film si il sortait tel quel aujourd'hui. Passe encore pour la prétendue misogynie du propos, le film s'attachant à montrer notamment à travers le personnage de Bob (Roland Giraud) toute la suffisante bêtise crasse du macho, phallocrate et con comme la lune. D'ailleurs Reiser, même si il n'a pas toujours été compris, aimait profondément les femmes comme l'atteste le récent et très bon bouquin de Jean Marc Parisis Reiser – L'Homme Qui Aimait Les Femmes – Une Histoire du Féminisme. Mais revenons au film qui s'amuse d'enfants et de femmes battus, qui présente d'affreuses caricatures de beaufs et de gros dégueulasse et qui pour certains propos serait peut être taxé d'homophobie alors qu'il ne fait que perpétuer l'esprit de l'humour bête et méchant de l'époque… Au casting on retrouve quelques figures des années 80 avec donc Roland Giraud, Maurice Risch mais aussi Catherine Leprince , l’excellente Michele Brousse (Le Bonheur a Encore Frappé) , Georges Beller, Michèle Bernier, Pauline Laffont et Bruno Gaccio dans un petit rôle de gendarme. Copinage oblige on retrouve même dans une séquence de bistrot, Cavanna, Gébé et Wolinski et même si les trois jouent affreusement mal , ça fait tout de même plaisir de revoir leurs ganaches.
Clairement Vive Les femmes ! n'est pas la pire porte d’entrée pour découvrir Reiser, mais si vous souhaitez comprendre la férocité, l'humour et la profonde tendresse désabusée du bonhomme pour ces contemporains il est préférable de se replonger dans la lecture de ses nombreuses BD. Aussi inégal soit il, le film de Claude Confortès reste pourtant parfois très en phase avec notre époque à l'image de la chanson final qui reste bien en tête du film qui fait : " ♪♫♪ On vit une époque formidable / Plus un seul endroit habitable / Plus d'oiseaux, plus de poissons / Plus d’insectes, plus de saison / Mais toujours et toujours des cons ♪♫♪ "