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Très mineur… mais non sans intérêt


Avec son pitch suranné et sa promesse d’une heure et demie de divertissement pop-corn, le nouveau film de Mel Gibson avait de quoi faire saliver les cinéphiles, d’autant plus que la réalisateur de Braveheart allait, une fois n’est pas coutume s’essayer au huis-clos en s’enfermant dans une minuscule avion de brousse. Mais ne nous voilons guère plus longtemps la face, Vol à haut risque constitue assurément la première déception de la brillante carrière du cinéaste Mel Gibson. Vendu par Gibson lui-même, avec une modestie qu’on ne lui connaissait guère, comme "un simple divertissement sans prétention", Vol à haut risque ne met pas longtemps à nous effrayer. Dès les premières visions d’un Alaska de fonds verts aux allures de production Netflix, l’on se prend à se demander où donc a bien pu passer le réalisateur d’Apocalypto. Mais enfin, le petit avion décolle et le film aussi, l’on retrouve alors cette capacité qu’a Gibson à créer une montée en tension sur un découpage habile alternant jeux de regards et jouant avec les valeurs de plans sur les visages des personnages, tension débouchant sur le traditionnel déchaînement de violence tant attendu. Le film se révèle touche par touche et contrairement à ce que nous pouvions attendre, Vol à haut risque n’est pas de ces films proposant des morceaux d’action permanents jusqu’à un final paroxystique, mais se dévoile comme un vrai film de personnages. Tout à coup, l’intention du réalisateur de La Passion du Christ semble évidente, ce film est une métaphore, ce vieux coucou peut être vu comme une projection de la psyché des personnages du témoin Winston ou de la Marshal Harris, tous deux porteurs en eux de plaies profondes. Au cœur de cet avion mental trône le pilote incarné par Mark Wahlberg, il est littéralement ce démon qui mine les deux protagonistes et prend un malin plaisir à conserver leurs blessures ouvertes. Il scrute littéralement les âmes de ces passagers. L’objectif pour le témoin et la marshal devient dès lors de tuer ce démon qui les empêche de vivre. Le film prend alors une tournure d’autant plus psychanalytique si l’on considère que la psyché en forme d’avion de brousse n’est autre que celle de Gibson lui-même qui n’a cessé au cour de sa vie de lutter contre ses propres démons qui lui ont par le passé fait tant de tort. Lors d’une interview dans les années 2000, l’interprète de Martin Riggs avait laissé entendre que vivait en lui un viking qu’il nommait affectueusement Bjorn, qui de temps à autres (l’alcool aidant), prenait le dessus et détruisait tout sur son passage. A la lumière de cet aveux, il est difficile de ne pas voir dans Vol à haut risque un film bien plus personnel qu’il n’y paraît. Les fans de Gibson retrouveront également d'autres thématiques chères au cinéaste comme les personnages de mavericks, de David contre Goliath, seuls contre tous et surtout contre une hiérarchie corrompue.

Sur la forme, le film déçoit (son budget ainsi que les délais de tournage serrés (22 jours) n’aidant pas) par un manque d’authenticité auquel le cinéaste ne nous avait jamais habitué, mais en terme de mise en scène, Gibson est bien là, derrière la caméra, indubitablement moins inspiré qu'à l'accoutumée mais il est là, son sens de la mise en scène fait mouche à plusieurs instants bien qu’on l’imagine très aisément frustré et limité par un huis-clos dont il n’a pas l’habitude, le forçant régulièrement à recycler encore et encore les mêmes angles de caméra au risque de devenir redondant. Et malgré cela, on se prend d’affection pour ce duo original incarné par Michelle Dockery et Topher Grace, Gibson les peint par petites touches, exhume leurs failles, les fouilles sans en avoir l’air jusqu’à nous les rendre touchant, un exploit en ce qui concerne le témoin incarné par Topher Grace dont l’humour souvent balourd et par dessus tout incessant paraphrase la mise en scène ou casse la tension construite par Gibson. Et pourtant, pour lui aussi l’empathie finit par poindre, coïncidant avec la séquence la plus violente du film permettant le rachat du personnage aux yeux du spectateur. Ce qui nuit le plus à Vol à haut risque est finalement de ne s’être pas clairement définie, drame ou comédie ? Le film ne sait jamais vraiment, tente les deux mais la mayonnaise ne prend pas, ajoutez à cela un Gibson que l’on sent engoncé dans ce cockpit trop petit pour lui, comme incapable de donner la pleine mesure de son indéniable talent de metteur en scène et vous voilà en face d’une bizarrerie, un film étrange, ni bon ni mauvais, peut-être amusant, jamais ennuyeux mais assurément décevant. Gibson semble traversé ce film la tête ailleurs, comme dépassionné, et pour cause, s’il parle sans ambages ni passion de Vol à haut risque comme d’un "simple divertissement sans prétention", il se fait bien plus volubile et passionné lorsqu'il aborde son véritable projet de coeur : Résurrection, une suite à son chef-d'œuvre La Passion du Christ qu’il prépare méticuleusement depuis quinze ans et pour lequel il rêve en grand, au delà de l’espace et du temps. Vol à haut risque, ce petit projet sorti de nulle part, n’était assurément qu’une courte récréation avant le projet pour lequel Gibson déclare : "le Tout-Puissant m’y prépare".


Antonin-L
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