« Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps »

Voyage en Chine n’est que sensibilité et délicatesse alors même que la gravité de son sujet laissait à redouter des lourdeurs mélodramatiques : la caméra procède par portraits et paysages, se déplace tranquillement, laisse la fixité de son cadre retranscrire les déplacements tout aussi tranquilles de ses protagonistes. Le deuil prend la forme d’un voyage physique et intérieur, conforme en cela aux représentations traditionnelles et multiculturelles associant la personne disparue à un fantôme égaré et ses survivants à des passeurs entre deux mondes. Ce qui frappe le plus ici est la simplicité du personnage magnifiquement interprété par Yolande Moreau qui marche les yeux fixés sur ses pensées tout en regardant au dehors et s’imprégnant d’un lieu jusqu’alors inconnu où retrouver un autre inconnu, son propre fils parti depuis longtemps. Le récit d’acclimatation accomplit un récit tragique mais spectral que les dialogues n’explicitent que rarement ; à la place avance un corps étranger dans un environnement nouveau, se tissent des liens au présent dans lesquels s’entremêlent les bribes d’un passé recomposé au fil des rencontres.

Le long métrage de Zoltan Mayer part d’un postulat politique, à savoir la critique de la bureaucratie inhumaine et d’une administration défaillante quel que soit le pays concerné et où, au sens figuré (d’abord) puis propre (enfin), l’on « parle chinois », pour refuser ensuite de s’y appesantir et lui opposer la langue universelle de la douleur et de l’amour. Raccorder l’humain, enraciner sa solitude dans le terreau d’un jardin à cultiver ensemble. Une œuvre bouleversante.