D’un côté, nous avons Martin. Il a préparé ses valises et dit à sa femme qu’il partait à un séminaire de cohésion d’équipe pour son entreprise. En réalité, il a tout lâché. Depuis dix jours, habillé d’une peau de bête, il vit dans un camp en pleine forêt norvégienne et tente de survivre comme un chasseur-cueilleur d’il y a plusieurs millénaires, chassant avec un arc qu’il a fait lui-même.
Une vie en pleine nature qui est loin d’être simple : en bon homme moderne, Martin n’est pas un chasseur invétéré, il perd facilement la trace de ses proies, et quand la faim se fait sentir, prendre de la nourriture dans un petit supermarché local est une tentation trop forte.
De l’autre côté, nous avons Musa, délinquant danois parti avec ses deux collègues Simon et Bashir faire du trafic de hash à Guddalen, en Norvège. Victime d’un accident de voiture, il va abandonner ses compagnons et se réfugier dans les bois où, bien évidemment, il rencontrera Martin.


Ce qui va unir les deux personnages, dans un premier temps, c’est la fuite. Musa fuit la police qui sera inévitablement attirée par la voiture accidentée sur la route. Martin fuit une civilisation dans laquelle il ne se reconnaît plus. En forêt, pas de patron, pas de courrier, rien de ce qui l’oppressait dans sa « vie d’avant ». Même la présence d’un facteur angoisse Martin : il ne veut plus rien avoir à faire avec la civilisation.
Ces problèmes de relations sociales ne concernent pas que les deux protagonistes du film : on a vite l’impression que tout les personnages, même secondaires, ont des problèmes de communication et de relation avec leurs proches. Le policier ne cesse de se disputer avec son supérieur et se considère comme « mi-policier, mi-père de famille », mettant en évidence la difficulté croissante à concilier un métier prenant et une vie privée familiale. Un couple se dispute, elle lui reprochant d’être trop égoïste. Les deux collègues de Musa le poursuivent dans la forêt norvégienne avec des intentions visiblement malhonnêtes. En bref, tous les rapports sociaux sont compliqués. Symboliquement, le fait de placer des personnages majoritairement danois dans un environnement norvégien, avec les difficultés de compréhension inhérentes à une telle situation, offre une image assez juste des problèmes de communication que rencontrent les protagonistes.


Dans Wild Men, la nature est chargée de plusieurs significations.
Elle est d’abord perçue comme un lieu d’authenticité, à l’opposé d’une société vue comme un lieu de relations frelatées. Se retrouver en peau de bêtes loin de toute modernité serait, pour Martin, le meilleur moyen de « se retrouver ». Mais le film montre vite les limites de cette pratique : la société moderne s’invite partout, et s’en débarrasser n’est pas évident. Il est assez cocasse de voir Martin tenter de vivre comme au néolithique tout en écoutant de la musique sur son smartphone. Et lorsque le chasseur improvisé ne parvient pas à suivre sa proie, il est pratique d’avoir un supermarché à portée de main. Le comble est atteint par ce groupe de « vikings » que Martin et Musa tentent de rejoindre…
La forêt est aussi l’inverse de la civilisation. Martin s’y réfugie pour être seul, loin de tout le monde. A l’inverse, il faut voir la gêne des policiers lorsque leur chef leur ordonne de s’enfoncer dans la forêt à la recherche de Musa.
Lieu paradoxal, favorisant aussi bien l’isolement que le tourisme, la nature est surtout le lieu qui met en évidence les contradictions des personnages. Martin, par exemple, a besoin de s’isoler pour se rendre compte qu’il ne peut être loin de sa femme, ce qui, finalement, le rapproche du chef de police.
Ce sont ces éléments qui donnent une profondeur aux personnages de Wild Men. Le film dépasse alors son caractère subtilement comique (un humour qui naît du décalage entre les attentes des protagonistes et ce qu’ils sont effectivement) pour atteindre une émotion bienvenue. La réalisation de Thomas Daneskov ménage des moments plus contemplatifs propices à l’expression des sentiments, de même qu’à la réflexion sur notre rapport aux autres et à la nature.


[article à retrouver sur LeMagDuCiné]

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le 24 août 2022

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SanFelice

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