En-dehors des deux films phares de son début de carrière (Le Lauréat et Qui a peur de Virginia Woolf ?), Mike Nichols n'a pas livré d'autre 'chef-d'oeuvre' largement homologué. Que de succès petits ou contextuels, diversement appréciés. Parmi ces plus modestes succès émerge Closer en 2004 qui a eu un certain retentissement et jouissait d'un casting quatre étoiles ; un téléfilm sur la maladie en 2001, peu connu mais bien noté ; puis d'autres anecdotes encore, donc ce Wolf, produit mineur mais un des plus vus de son auteur, grâce à ses deux stars principales.
Sorti en 1994 à une période où Nichols s'essaie à de nouveaux genres (et se plante dans la comédie de SF – De quelle planète viens-tu ?), Wolf réunit Jack Nicholson et Michelle Pfeiffer pour former un couple atypique, sept ans après leur idylle à quatre des Sorcières d'Eastwick (avec Cher et Susan Sarandon). Wolf approche le degré de kitsch de ce film de Miller et le devance en terme d'essais désuets et enfantins voir ridicules. La nouvelle approche du loup-garou proposée par Nichols et son équipe ne manque pas d'esprit, mais bien de clarté.
Il en résulte un divertissement agité, charmeur et brouillon. Le ton est à la fois grivois et facile, mais aussi cohérent et très sombre. Le fatras 'mystique' reste aussi risible a priori que les effets spéciaux improbables (les sauts en l'air notamment et surtout le choc des loups final), mais cette propension au grotesque le plus péremptoire intrigue et amuse plus qu'elle n'invite à la moquerie. La mise en scène est d'une grande lourdeur, révèle avec astuce et décalage l'animalité triomphante du futur loup (le prestigieux éditeur new-yorkais développe des capacités sensorielles extraordinaires, pisse sur les chaussures en daim de son adversaire).
En marge de la transformation, sur un plan plus propre au drame bourgeois où s'est révélé Nichols;les réflexions et réactions exubérantes de Nicholson concernant ses pérégrinations, en entreprise ou dans ses relations, sont un des meilleurs arguments du film. Il y a des punchline un peu surfaites mais l'ensemble est malin, avec une part d'innocence bizarre. Wolf laisse quelques images fortes à l'esprit (les yeux de Plummer et Pfeiffer) et surtout la sensation d'un spectacle syncrétique, singulier mais vulgaire, avec beaucoup à exprimer sans s'être accompli. C'est aussi un exemple de maestria ivre, entre aisance et grossièreté, cheap et originalité, régression (abus de fondus lourdauds) et sophistication (certains plans très inspirés, qui auraient pu être pénétrants dans un contexte plus réfléchi).
Autres films de Nichols :
http://www.senscritique.com/film/Qui_a_peur_de_Virginia_Woolf/critique/39323686
https://zogarok.wordpress.com/