Où le talent s'incline devant les petits schémas

Ce film d'horreur australien a été largement relayé à sa sortie : présence à la Quinzaine des réalisateurs cannoise, flopée de nominations, critiques partagées mais nombreuses. Peu de slashers arrivent à se faire une telle place, suites et reboot de produits cultes mis à part, encore que ceux-là obtiennent une reconnaissance très commerciale. Wolf Creek, premier long-métrage de Greg McLean, arrive à être crédible sur deux terrains : happening de boogeyman old school ; produit hargneux dans la boutique art et essai.


Tout en restant très conventionnel dans les ingrédients, Wolf Creek est ostensiblement équipé pour surplomber ses concurrents. Il arrive sur des terrains rebattus avec une véritable adresse, presque avec finesse. La réalition est nerveuse sans jamais céder aux gimmicks, la BO souligne l'effort d'élégance. Les personnages et leurs relations sont souvent bêtes, mais sans être chargés ou considérés avec la candeur récurrente de ces programmes de mise à mort d'un groupe de jeunes crétins plus ou moins marqués. Malheureusement Wolf Creek reste dominé par ces caractéristiques et donne l'impression d'un métrage amputé, dont la maturité ne peut se révéler et doit demeurer couvée. Il se profile pourtant comme une sorte de thriller excentrique, avec un aspect comique très 'lourd', doublement.


Il y a un décalage net entre le fond, banal et vain ; et le traitement, malin, habile, avec surtout la volonté d'introduire un tueur iconique. Mick Taylor, redneck sadique et yolo, est potentiellement en mesure de prendre la relève de ses aînés (la peuplade de Massacre à la tronçonneuse). Mais il ne traîne pas de galerie des horreurs suffisamment conséquente, du moins pas encore (il y aura une suite, Wolf Creek 2). Il a seulement sa malice, son degré de perversion et de psychopathie bien corsés, puis ses petits attirails effacés. Par moments Wolf Creek fournit des images presque poétiques, insérant même Mick dans un cadre mythique en guise de conclusion. McLean se sert des paysages pour donner de l'ampleur à la virée, disposition qu'il développera avec excellence dans Solitaire/Rogue, où la jungle prend vie et devient un personnage rayonnant ; hostile pour l'Homme mais ce n'est qu'une incidence.


Le malaise est justement là dans Wolf Creek : ce manque d'épaisseur et d'énergie, ce défilé cruel, manifestement réfléchi, mais coupé de toute force profonde. Les instincts n'y sont pas. On a tout le loisir de contempler les qualités du travail de McLean tout en s'ennuyant de leur cadre. Wolf Creek est différent de ses congénères mais ne sait pas s'émanciper de leurs ritournelles, jouant même sur les actions stupides pour fluidifier, comme font les plus paresseux (ou expéditifs, dans le cas présent). Cette manie de vouloir se raccrocher à une certaine conformité tourne au non-sens lorsque, dans la dernière ligne droite, on jette un œil dans le rétroviseur. Une des victimes voit alors des éléments censés être glaçants, qui ne changent strictement rien au moment présent ni pour la suite, n'apportent pas de nouvelle lecture du passé, n'objectivent rien qui manquait ; comme s'il fallait annexer cette image pour résonner avec le genre, s'acheter une légitimité. S'il fallait démontrer à quel point le besoin (devoir?) de se justifier et se refouler bride le talent, voici un bon candidat.


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Zogarok
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le 8 avr. 2015

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