Warner Bros. et DC Comics auraient-ils trouvé le juste équilibre pour leur univers cinématographique ? À en croire l’effet que produit leur nouveau-né sur le public, Wonder Woman, cela serait le cas. Et pour cause, le long-métrage supplante ses prédécesseurs en affichant de bien meilleures critiques (beaucoup le considère même comme le meilleur titre du DCU depuis sa création avec Man of Steel) et un score au box-office mondial très satisfaisant (qui se rapproche des 873 millions de dollars de Batman v Superman). Sans oublier le fait que l’œuvre porte désormais l’étiquette de premier film avec une super-héroïne, avec un penchant féministe dû à la présence de Patty Jenkis (Monster) à la réalisation. Un très bon divertissement, en résumé ! Sauf qu’une fois sortie de la salle de cinéma, je suis parti de la séance non pas avec enthousiasme mais plutôt une sensation amère d’avoir vu un film surestimé. D’un produit prouvant à quel point un studio hollywoodien a préféré retourner sa veste pour plaire aux spectateurs, au risque de faire défaut à ses ambitions d’origine.
Un avis, une critique, ne peut être que subjective. Bien que des personnes, amatrices ou professionnelles, ne jurent que par l’objectivité, celle-ci n’est pas possible dans nos rédactions. Chacun ses goûts et ses couleurs, et c’est ce qui fait le sel, voire le charme, de nos discussions. De nos débats. Mais à la condition que l’on se respecte ou que l’on argumente nos propos. Du coup, il est intolérable de donner du crédit à certaines remarques, malheureusement majoritaires, qui ont nui à Man of Steel et Batman v Superman, les dénigrant car ce n’était pas des films de super-héros cools ou drôles. Depuis quand un divertissement de cet acabit doit-il porter ses qualificatifs ? Depuis que le duo Disney/Marvel s’est imposé dans l’industrie hollywoodienne. Mais à force d’assouvir sa suprématie, ses titres sont devenus la référence aux yeux de tous, alors qu’ils n’ont tout bonnement pas les meilleurs films en la matière (hormis Avengers et Les Gardiens de la Galaxie). Et ces derniers ne correspondent pas du tout à ces critères, quand on voit le côté sombre et sérieux de la trilogie The Dark Knight et de Watchmen. Ou encore le côté relecture d’Incassable. Ces films étant pourtant considéré comme des références à part entière. Mais non, apparemment, quand on n’est ni fun ni grandiose, on est pas un bon film de super-héros… Et c’est devant ce fait populaire que Suicide Squad est bancal au possible. Que certaines inepties ont pris naissance, comme de voir Batman v Superman aux Razzie Awards et Suicide Squad aux Oscars. Ou encore de voir à quel point la franchise a décidé de se « marveliser », pour renouer avec un public aveuglé par du fast-food cinématographique. Le fait que beaucoup comparent Wonder Woman à Captain America : First Avenger n’est pas un signe anodin…
Alors, avant de s’attirer encore quelques foudres, autant calmer les ardeurs en disant tout de suite que Wonder Woman n’est pas un mauvais divertissement. Loin de là ! Qu’il n’était franchement pas judicieux d’attendre le firmament en termes de scénario, alors qu’il s’agit d’une origin story. Et une bonne, qui sait exploiter convenablement son univers, son histoire et ses personnages. Tout en restant cohérent avec les films précédents : D’autant plus que le long-métrage parvient à réussir l’incroyable pari de déringardiser l’héroïne. Chose qu’avait entamé Batman v Superman et que Wonder Woman reprend avec beaucoup de savoir-faire grâce à une direction artistique rétro efficace (quoique que certains effets spéciaux numériques sont assez douteux), la bande son (dont le mémorable thème du personnage), des séquences d’action rondement menées et un casting fort appréciable (Gal Gadot en tête, avec son indéniable charisme). De ce point de vue-là, Wonder Woman est un blockbuster honnête, bien meilleur que certains produits actuels (n’est-ce pas, La Momie ?).
Par contre, bien qu’il soit un film de super-héros acceptable, le long-métrage n’a rien d’une œuvre de DC Comics, car s’éloignant en tout point du DCU. Man of Steel et Batman v Superman, bien qu’imparfaits (et ce n’est pas moi qui vais le nier), avaientt une ambition. Un aspect métaphorique, limite messianique, qui donnait une certaine ampleur à ces personnages. Qui les remettait au goût du jour. Superman par exemple, qui est bien loin du boy scout qu’on a toujours connu, mais plutôt un sauveur torturé. Humain. Ici, ça se limite juste à une morale d’une niaiserie sans nom du genre « l’amour résout tous les maux de l’humanité ». Un à blockbuster qui abuse un peu trop du ton humoristique pour compenser son manque de travail scénaristique. Son manque d’ambition, qui se résume juste à devoir raconter les origines de sa super-héroïne, qui n’est pas du tout raccord avec ce que comptait faire Warner Bros./DC Comics au début de son projet de Justice League. Et même avoir une réalisatrice telle que Patty Jenkis n’y changera rien, la pauvre s’étant pliée aux exigences du studio pour la conception de ce film. À savoir faire un film qui n’a de DCU que le visuel (bien que par moment, la mise en scène fasse du sous-Zack Snyder) et qui reste assez impersonnel dans son traîtement. Même le côté féministe tant prôné par le public n’est pas si développé que ça. Hormis un personnage masculin mis sur un même piédestal que l’héroïne, vous n’aurez rien de plus. Le pire, c’est que le long-métrage trahit cette même étiquette, présentant une antagoniste sur le papier intéressante mais finalement reléguée au rôle de second couteau. Ou encore une naïveté de Wonder Woman assez insultante pour la femme (sa découverte de Londres, semblable à une fillette japonaise s’extasiant devant une fleur dans un jeu vidéo – merci Joueur du Grenier !).
Le meilleur film du DCU ? Personnellement, c’est avec un grand non que je réponds à cette question. Certes, l’ensemble se montre plutôt sympathique, mais il ne se révèle pas aussi puissant et ambitieux que ses prédécesseurs (sauf Suicide Squad). On pourrait même jusqu’à dire que Wonder Woman se contente du strict minimum. Se vante de ce qui a été fait jusqu’ici sans jamais faire évoluer l'univers dont il dépend. Lui faisant défaut. Et mettant même de mauvaise idée dans la tête des gens : premier divertissement avec une super-héroïne ? Et Elektra ? Et Catwoman ? Et la série Jessica Jones ? Non, Wonder Woman restera pour moi un super-hero movie lambda. Rien de plus. Ce qui ne me rassure guère sur l'allure de Justice League, qui affiche depuis ses bandes-annonces un côté beaucoup trop "marvelisé" pour me convaincre...