Mettez au milieu de deux adolescents fougueux une femme d'expérience, au corps de rêve peu farouche, et vous aurez une idée de la belle énergie qui propulse Y tu mamá también, l'un des films les plus intimistes qu'a pu réaliser Alfonso Cuaron avant de se lancer à la poursuite de la happy technologie à Hollywood. Mené d'une main de maître par un chef d'orchestre qui sait ce qu'il veut, le trio d'acteurs chargé de véhiculer les lourdes thématiques du cinéaste trouve une harmonie remarquable qui explose littéralement lors de l'ultime séquence qu'ils se partagent.


Y tu mamá también est un road movie au rythme maîtrisé, qui parvient à se renouveler pour ne pas tomber dans une routine faite uniquement de balade en voiture. Cuaron enlise le véhicule de ses trois larrons au moment opportun pour rentrer plus vivement dans son sujet. Cependant il le fait avec quelques moyens un peu grossiers, notamment une voix off pompeuse qui finit par agacer viscéralement, d’autant plus qu’elle se fait l’écho de petites tentatives que l’on peut tristement caractériser du terme « petit malin ». L'accident malheureux qui a eu lieu sur une route 10 ans plus tôt, le futur du pauvre pêcheur qui va se faire avaler par l’expansionnisme économique de son pays ou le destin tragiques des 9 porcs qui dévastent le campement des trois amis, n’étaient pas vraiment de circonstance.


Toujours est-il qu’en faisant abstraction de cet effet de style, d’autant plus gratuit qu’il est inutile —la mise en scène de Cuaron en dit suffisamment pour s’épargner des explications pour les nuls—, Y tu mamá también reste une jolie fable initiatique sur le passage à l’âge adulte. Cuaron y fait preuve d’une belle habilité à filmer les corps et à composer avec l’intime. La complicité qui lie Julio à Tenoch est montrée certes de façon frontale, mais avec subtilité aussi et un naturel à toute épreuve. Maribel Verdù use de son charme rageur pour incarner à la fois l’électron trouble fête et l'entité canalisatrice des deux fougueux jeunes hommes, en plus d'apporter au récit une portée philosophique, certes de comptoir, mais enthousiasmante : un petit rappel du mantra carpe diem qui a parfois pu rythmer nos périodes adolescentes. Quel dommage d’ailleurs que Cuarón se sente obligé de justifier le comportement d’abandon de la jeune femme, qui semble enfin vivre pour elle, par une explication couillonne en fin de parcours.


Typique de ce qui gangrène la belle liberté du film, cette dernière séquence qui oppose Julio à Tenoch, les deux hommes nouveaux que cette expérience a, en partie, forgé, se fait lourde en justification pompeuse. Sans réel intérêt, cette scène semble avoir été tournée uniquement dans le but d’ancrer l’épopée libertaire dont il a été question dans une réalité triste et banale. Écho direct à tous ses inserts dépressifs que la voix off a servi pompeusement tout au long du voyage. Dommage tout de même de polluer cette recherche poétique du sens de la vie par des faits aussi banals, terre-à-terre et misérabilistes.

oso
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le 10 août 2014

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