La ligne jaune
Après avoir exécuté son contrat, un tueur à gages couvre sa fuite en prenant en otage une jeune femme qui se trouvait dans une cabine téléphonique. Ils partent en train en direction de Kobé où la...
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le 31 oct. 2022
La série B japonaise des années 60-70 est une malle remplie de pépites cachées. Des récits aux allures mythologiques au querelles de yakuzas sanglantes dans les bas-fonds de Tokyo, l'amateur de série B peut trouver son lot d'exotisme, d'ambiances particulières et parfois de délires sanglants ou érotiques qui semblent être le carburant du cinéma d'exploitation japonais. Mais comme souvent avec le domaine de la série B, il faut se coltiner pas mal de bric et de broc dans cette malle aux prétendues merveilles, avant de tomber sur la pépite tant espérée. Yellow Line de Teruo Ishii en fait partie.
Ishii est un patronyme plutôt célèbre du cinéma d'exploitation japonais des années 60 et 70. Ne connaissant pas sa filmographie, il est impossible pour moi de savoir si ce Yellow Line est symptomatique de son cinéma (de ce que j'en sais il ne me semble pas). Contentons-nous de dire qu'il est symptomatique de ce genre de série B dont on ne peut rien tirer.
Le film s'ouvre pourtant sur les meilleures auspices. Un individu mystérieux auquel on confie un meurtre. S'ensuit le générique toujours autant énigmatique, des accords de guitare sèche en fond pour nous mettre dans l'ambiance. L'homme en noir, marchant dans les rues d'une ville, surement Tokyo. Lorsque le crime est commis, se rendant au lieu de rendez-vous fixé, il se rend compte qu'il a été trompé. A cet instant le film prend une direction qui le mènera vers un scénario foutraque et difficile à suivre. Tout s’enclenchant avec la prise en otage d'une jeune femme par le meurtrier qui fuit vers Kobé, suivie par un journaliste qui enquête sur un réseau de prostituées : le "Yellow Line".
Difficile donc de suivre les nombreuses péripéties qui en découleront. Cela est probablement dû au cruel manque de charisme des personnages principaux. Leurs réactions et motivations sont peu claires et ne font pas vraiment sens. C'est le cas par exemple de la femme qui sera pris en otage tout le long du film, qui semble dès le départ peu tracassée par la situation. Il y aura bien sûr un semblant de complicité peu crédible entre les deux par la suite, mais qui dans le public pour s'en émouvoir ? D'ailleurs même le réalisateur semble ne pas y prêter grand soin, c'est dire ! Pourtant c'est lui qui a écrit le scénario. A-t'il oublié sa plume en prenant sa caméra ? Le pire étant que les personnages sont profondément ancrés dans les codes habituels du genre, remplissant un pauvre cahier des charges déjà suffisamment pénible. Il y a un surplus de personnages qui auraient tout aussi pu être absents et ainsi éviter de surcharger le cadre en vain.
D'ailleurs le film est assez laid. Il aurait surement été préférable d'opter pour un noir et blanc afin d'éviter cette fadeur des couleurs. Mais cela est un problème assez fréquent dans les séries B, dû évidemment à des raisons économiques ou tout simplement de préservation du film qui a tout de même plus de cinquante ans. De plus, on sent que le réalisateur ne sait pas vraiment quoi faire de son large ratio d'image. Les personnages sont constamment centrés. La caméra se permet quelques mouvement appréciables mais les coupures brusques ou la gratuité de certains angles de vues désamorcent rapidement ce qui pourrait s'apparenter à des idées de mise en scène. Le film manque de dynamisme à l'image et les cadres sont dénués de vie et parfois de lisibilité. Pourtant le film se déroule dans des quartiers bondés mais rien ne s'en émane. Ces scènes trahissent l'impossibilité du réalisateur à mettre en scène correctement sa fiction. En optant pour une réalisation plate, il évite les risques, mais évite également cette saveur particulière des bonnes série B, celle de faire, au sein du système, preuve d'inventivité et de générosité. Cela na vient vraiment pas aider ce récit perdu, qui avance inexorablement en suivant les marques, doublant sans y prendre garde ses personnages, ses enjeux, sa portée. En droit d'attendre un minimum d'action, le film est lent. Mais soyons clair, ce n'est pas pour créer un temps cinématographique ou je ne sais quoi qu'un bon film aurait fait. Non c'est juste l'enchaînement d'actions a valeurs égales qui désamorcent la précédente qui donne cette impression d’assister à une variation d'instants vaporeux. C'est le destin type du film qui aurait pu être intéressant - notamment cette aspect d'investigation dans les quartiers sombres de Kobé, qui aurait permis de traiter avec recul de la situation des prostituées comme marchandises parmi tant d'autres - mais qui finit par être pénible, banal et vain, trop bloqué dans les carcans de la série B policière.
On notera la volonté d'ajouter un peu d'humour; mais cela finit par être gênant tant on est peu impliqué et que tout est désamorcé. L'humour comme autant de pions (personnages, péripéties, décors) que l'on place sur un échiquier.
J'en demandais surement trop à ce Yellow Line. Mais sans m'attendre à quoi que ce soit, le cinéma d'exploitation japonais a su me prouver ses qualités par le passé. Nous sommes en droit et en devoir d'attendre quelque chose de la part de la série B, sinon on finit dans la complaisance ou (et) le déni de la qualité qui se trouve dans ce cinéma.
Fermons la malle aux découvertes pour aujourd'hui, en prenant soin de jeter et d'oublier ce raté, et espérons tomber sur une revigorante pépite à notre prochaine visite...
...à suivre donc ?
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Créée
le 9 juin 2016
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