Ce film se centre sur la magie et la grâce de l’instant. Son découpage est avare en montage, chaque plan résonne comme un fragment. Bien souvent le cadre est fixe, pourtant jamais l’image ne l’est. Toujours, quelque chose bouge dans ce cadre : la vie. Ce film donne l’impression de souvenirs. Et paradoxalement, ce qui m’habite dans ce film c’est le présent. La grande trame du film ne fait que souligner les enjeux de chaque plan et permet de faire évoluer les situations. Chaque plan porte la poésie du moment présent. Le passé et le futur sont loin de ces plans. Chacun d’entre eux semble suspendre le temps pour nous amener à un simple sentiment de contemplation de la beauté de la vie qui s’active en son sein. Edward Yang compose ses plans comme un poète qui veut nous montrer la beauté, la mélancolie et les symboles que renferment les moments apparemment les plus insignifiants du quotidien. A chaque fois que je vois ce film je m’émerveille à chaque plan et j’en ressort avec un immense amour pour la vie qui s’écoule et j’ai envie de m'asseoir et de contempler mon quotidien. Cela est permis par le travail du temps et de la composition qui sans qu’on en ait l’impression laissent peu de chose au hasard et savent guider notre œil au sein des plans.

Edward Yang renvoie à la magie primaire du cinéma : celle de pouvoir animer une image. Chaque plan fourmille comme une photo que l’on ramène à la vie, comme la projection dans le souvenir d’un instant. L'arrière-plan est actif, l'œil remarque le moindre détail.

Pourtant le découpage porte souvent le point de vue des personnages. On rentre ainsi dans l’intimité de leur regard. Il mêle les préoccupations des différents âges de la vie et je ne peux m'empêcher d’en partie m'identifier et de me différencier de chacun des personnages tant ils sont tous traités avec une immense empathie. Regarder Yi-Yi me donne l’impression de voyager dans la fresque des souvenirs mêlés des personnages. Le film s’attache à tous les détails bénins du quotidien qui forgent la mémoire humaine. La caméra qui traite les situations avec une apparente pudeur nous permet en fait d'accéder en profondeur à l’esprit des personnages et à leur façon d’interagir avec le monde. L’empathie passe pour moi par cette suite de tableaux qui garde un recul suffisant pour apprécier la beauté.


kubricks_cube
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le 16 août 2022

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