Certes ce film sonne faux à chaque instant : se passant au Japon, il a été réalisé en France ; donnant à voir une histoire d’amour et d’espionnage entre Russes et Japonais, il est tourné par des acteurs français parlant avec l’accent de Belleville, ce qui donne parfois un involontaire effet comique : Gabriello en kimono et chaussettes blanches tenant le rôle d’un propriétaire de maison de geishas est impayable ! De plus, l’une des seules actrices japonaises du film, Michiko Tanaka, ne parlant pas un mot de français, a dû interpréter son rôle en apprenant son texte phonétiquement… Il n’empêche que c’est signé Max Ophüls (qu’est-il venu donc faire dans cette galère ?), estampille garantie quoi qu’il arrive d’images splendides et de lyrisme fou. Dans une histoire d’amour impossible à la Madame Butterfly, il y a une scène où Pierre Richard Wilm fait entrevoir à la jeune geisha tous les rêves d’une vie future qu’ils n’auront jamais… Cette scène, fondée sur l’imaginaire, est digne des plus grands moments de ce cinéaste amoureux des femmes et de l’amour, digne de Madame de…, de La signora di tutti ou de son chef-d’œuvre entre tous, La Lettre d’une inconnue. À elle seule, elle illumine ce film médiocre d’une touche magique et en fait une œuvre valant d’être vue.