Le slasher revisité d'un point de vue inédit

Couvert de sang et en fuite dans le camp de vacances où il était chargé de superviser les autres moniteurs, Sam téléphone à sa meilleure amie Chuck, grande fan de films d'horreur. Il lui raconte qu'un tueur masqué a assassiné la plupart de ses collègues tout en ayant un mal fou à ressembler ses souvenirs autour des événements qui ont précédé son appel. Au fur et à mesure de leur discussion, Sam tente de se remémorer la situation et Chuck réalise que son interlocuteur pourrait être lui-même le meurtrier...

Énième pochade d'un slasher de camp d'été à la sauce 80's, "You're Might the Killer" repose sur une idée somme toute assez géniale mais aussi absurde que sa genèse !
Né d'un délire à forte audience sur Twitter entre deux auteurs, Sam Sykes et Chuck Wending, où l'un jouait le fan de films d'horreur guidant l'autre incapable de savoir s'il était une victime ou le tueur de sa propre histoire, ce concept quasiment méta et, il faut le reconnaître, assez irrésistible (quel fan du genre n'a pas un jour rêvé de conseiller lui-même un personnage d'un slasher pour lui éviter bon nombre d'agissement idiots ?) est donc tout logiquement devenu un long-métrage réalisé et coécrit par le nouveau venu Brett Simmons.
Néanmoins, et on l'a souvent vérifié en matière d'horreur, une idée aussi brillante soit-elle ne suffit pas à faire un bon film et, vu la bizarrerie de celle-ci, on pouvait légitimement se demander si "You Might Be the Killer" avait suffisamment de ressources sous le capot pour tenir la route pendant 1h30...

Déjà, force est de constater que le film ne pouvait pas démarrer de meilleure façon en nous mettant dans le même état d'incertitude que son héros. Avec comme seul raccord à la "réalité" le personnage de Chuck à l'autre bout de fil, Sam essaie de raviver sa mémoire sur la nuit sanglante qui l'a amené jusqu'ici et autant dire que la mise en scène va s'en donner à cœur joie en termes de non-sens narratif à l'écran pour retransmettre le chaos de son esprit avec un décompte de victimes complètement aléatoire ou des va-et-vient temporels en fonction de ses flashs. S'il apparaît très vite qu'il est au cœur d'un véritable slasher mené par une sorte de Jason "Groot-ees" (le tueur a un masque en bois), le statut de Sam dans cette affaire, lui, apparaît très hésitant. En ce qui le concerne, le film prend la très bonne initiative de trancher rapidement la question "victime ou tueur ?" et va peu à peu installer une mythologie certes très classique dans ce contexte mais qui sied parfaitement à la condition de Sam et surtout à notre jubilation à vivre complètement à revers une histoire de slasher à travers ses yeux ! Car, oui, on s'amuse d'abord beaucoup dans "You Might Be the Killer" qui reprend absolument tous les archétypes de ce type de films avec un cadre de camp d'été (même le petit budget donne une saveur de veille péloche loin d'être désagréable) mais pour les faire vivre dans une perspective inédite, franchement très drôle et où les conversations de Sam et Chuck deviennent le phare narratif d'une histoire jouant avec délectation de la prévisibilité de ses ressorts habituels. Les références cinématographiques du genre comme guide de survie pleuvent, les meurtres se révèlent joyeusement gores, la mayonnaise humoristique prend plutôt bien et le tout est emmené par les sympathiques Fran Kranz et Alyson Hannigan (grands habitués du ton horreur/comédie de Joss Whedon et donc parfaits ici)... Bref, on se prend même à rêver que "You Might Be the Killer" va tenir la distance pendant toute sa durée...

Bon, comme c'est souvent le cas en la matière, nos espoirs ne se concrétiseront hélas pas. Le film sera toujours plaisant à découvrir mais, durant sa deuxième partie, il va finalement être victime de son concept et de ses limites. En jouant avec les stéréotypes du slasher, il en devient lui-même prisonnier, condamné à manipuler des poncifs dont ils tentent de se défaire mais qui le ramènent toujours quelque part vers le cheminement global de ces films. Toute la dernière partie autour de la "final girl" sera trop attendue pour créer la surprise et les détours que prendra le long-métrage pour essayer de s'en écarter l'amèneront à se répéter pour gagner du temps (parfois trop explicitement, on aura deux fois la même scène de meurtre sous le prétexte d'un autre point de vue). Seules les dernières minutes de la confrontation finale laisseront la place à une subtilité faisant confondre le spectateur avec le personnage de Chuck, cette fois défaillant, quant la manière à analyser la conclusion...

"You Might Be the Killer" n'aura donc clairement pas tenu le rythme jusqu'à son terme comme hélas beaucoup de comédies horrifiques du même style mais il aura au moins su exploiter son concept bien pensé pour enfin proposer quelque de chose de neuf et amusant dans le monde si rigide des slashers. Ce n'est sans doute pas suffisant pour devenir mémorable mais, comme nous le rappellera son hilarant épilogue en ce sens, la blague a plutôt marché !