La Belle et la Bébête

Et si le monstre du placard de votre enfance venait vous donner un coup de patte pour que vous repreniez votre vie en main ?

Larguée par ce qui peut s'apparenter au plus toxique petit ami de la Terre quand celui-ci apprend qu'elle a un cancer, délestée de surcroît du rôle principal d'une comédie musicale qu'elle écrivait avec lui depuis longue date et obligée de loger provisoirement avec une amie actrice noyée dans le plus complet égocentrisme, Laura est au fond du trou de tous les trous.

Mais, un beau jour, alors que de drôles de bruits se font entendre dans sa chambre, elle y découvre un monstre, son monstre, présent à ses côtés depuis ses plus jeunes années. En dépit de premiers contacts houleux, la jeune femme va peu à peu apprivoiser cette bête pas si méchante et s'affirmer à travers leur relation...

Dans la lignée du récent "Lisa Frankenstein", ce long-métrage écrit et réalisé par Caroline Lindy (adapté de son propre court de 2019) reprend de façon plus ou moins lointaine un archétype incontournable du fantastique, en l'occurrence "La Belle et la Bête", dans un contexte moderne (les affres d'une comédie musicale en pleine préparation) et féministe, pour permettre à une héroïne brimée par un entourage odieux d'obtenir l'aide d'une créature extraordinaire afin de faire le grand ménage parmi ses parasites et d'exister par elle-même.

Comme dans le film de Zelda Williams où un néo-Frankenstein devenait le bras armé -et synonyme d'une explosion des frustrations- d'une adolescente introvertie (un joli clin d'oeil à la mythologie Frankenstein est d'ailleurs présent dans "Your Monster"), Laura va donc devoir ici tenir tête à un cousin de Gaston, son exécrable ex que l'on ne peut que détester par tous les pores de son être, grâce à sa Bête, à la fois symbole de bien des maux à dompter qui la gouvernent et bientôt parfait exutoire à surmonter ceux-ci en poussant à son paroxysme ses aspirations émotionnelles et artistiques les plus profondes.

Et, à la sortie, le résultat est finalement un peu le même une fois de plus que "Lisa Frankenstein": anecdotique mais jamais déplaisant à suivre en soi. Capable de sortir les vrais crocs de sa Bête le temps de son ultime quart d'heure réussi (mais trop court et arrivant trop tard) et emmené par une troupe convaincante de comédiens (à commencer par Melissa Barrera qui semble réellement s'épanouir à montrer différents visages dans le cinéma de genre après les derniers "Scream", "Laid to Rest" ou "Abigail"), "Your Monster" se montre malheureusement beaucoup trop sage et linéaire dans ses intentions, parvenant certes à construire et à montrer toute l'amplitude de la toxicité de la relation qu'il met en scène, où seul un échappatoire radical paraît possible, mais ne créant jamais une dynamique entraînante et novatrice autour de sa Belle et sa Bête au-delà de l'effet de miroir attendu que sa symbolique ne peut qu'entraîner. Et le personnage du Monstre en tant que tel en est peut-être la première victime: en ne vivant que pour servir les intérêts de celui de Laurie, il n'existe pour ainsi dire jamais à part entière et ne s'impose pas par le mélange de traits humoristiques (osons-le dire, il est même insupportable sur ce point dans les premiers instants du film, on le croirait sorti d'un mauvais cartoon), romantiques (trop idylliques) ou violents (trop timides) forcément induit par l'approche du film.

Bref, malgré certaines qualités, ce "Your Monster" manque bien trop de mordant pour nous faire avoir envie d'en voir plus au-delà de la porte du placard où il aurait pu continuer à sommeiller.