Question : que dire d’un film qu’on a pas entièrement compris ?


Option N°1, dite du melon : c’est n’importe quoi, ça ne veut rien dire.
Option N°2, dite de l’humble : je suis limité intellectuellement, j’ai honte.
Option N°3, dite du diplomate : je suis incompétent, mais ils auraient pu faire des efforts pour être accessibles.


Your Name est un beau film, qui ne cesse d’ailleurs d’exhiber sa beauté : à grands renforts de paysages contrastés (la skyline scintillante de verre et d’acier de Tokyo contre le lac de montagne scintillant de la campagne), de lens flare et de ciels immenses, de poussières de lumière, le film se présente par tableaux, déclinant les saisons (la neige sur les buildings, les forêts d’automne, la pluie, la verdure du printemps…) en usant de toutes les hyperboles graphiques.


Sur ces deux univers, le destin croisé de deux adolescents qui vont donc communiquer par corps interposés.
L’exposition, fragmentaire et elliptique, est tout à fait intéressante : en abordant les lendemains de l’échange, les souvenirs fugaces, elle génère une confusion tout en présentant le quotidien des « hôtes » avec un beau sens de l’équilibre.


C’est surtout sur la partie réservée au personnage de Mitsuha que le récit prend une véritable ampleur : la thématique de la tradition confrontée à la modernité, la pratique du tressage et l’offrande faite au dieu présenté par la grand-mère sont autant d’éléments pour expliquer les dimensions philosophiques et spirituelles de la fable. La question du lien, écho fondamental à cette quête de réunion pour deux êtres à la fois séparés et fusionnés, est abordée avec tact, et occasionne de très belles séquences, comme la cérémonie dansée, la pratique du tissage ou la fabrication du saké. De la même manière, la façon de revisiter le traumatisme atomique à travers ce motif de la comète est assez subtil, et permet, pour une nouvelle génération, de se mettre en contact avec une partie de son Histoire.


Mais Your Name reste avant tout un teen movie, et même sur ce registre, il s’en sort avec les honneurs : les groupes d’amis, la vie quotidienne et l’humour sont plutôt bien dosés, l’exploitation de l’insolite de la situation souvent amusante.


Reste à faire évoluer cette anomalie initiale vers de nouveaux éléments perturbateurs. Et lorsque les voyages temporels s’invitent à la danse, la confusion s’installe. Le pourquoi du comment, les règles en vigueur (pourquoi l’échange, quelle temporalité, pourquoi l’oubli, etc.) s’accumulent en surcouches et à un rythme de plus en plus effréné, au point qu’on se demande si le lyrisme croissant ne fait pas office de paravent à toutes ces zones d’ombre.


Car la modestie touchante du début, qui permettait de véritablement s’attacher à ces personnages, se trouve plombée par cette course au paroxysme qu’est le dernier quart du film. On ne compte plus les scènes où les personnages courent vers ou hors ou contre ou pour leur destin, les croisements qui pourraient ou non les faire se rencontrer, sans qu’on sache de toute façon quels sont les enjeux, puisque le énième réveil d’un rêve peut vous annuler tout ça.
La préciosité de l’image rejoint donc la complexification un peu vaine du récit, le tout souligné par une pop japonaise de plus en plus présente, et effritant progressivement la tolérance bienveillante qu’on pouvait avoir initialement à son égard.


Bien entendu, voyager dans le temps, l’espace, convier des fragments du cosmos et sauver le monde sont des relais bien divertissants pour parler de l’amour ; Hosoda l’avait déjà fait avec La traversée du temps. Mais en matière d’émotion, les larmes à l’issue d’un rêve sont plus touchantes lorsqu’elles touchent à l’indicible, que lorsqu’elles s’embourbent dans un déluge torrentiel.


(5.5/10)

Sergent_Pepper
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le 9 févr. 2017

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Sergent_Pepper

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