Faux-semblants
Encore un très chouette film de Hong Sangsoo. On y retrouve tous les éléments propres à son cinéma, les marivaudages, l'alcool, les longs plans sur les acteurs en train de picoler avec quelques zoom...
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le 27 juil. 2020
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Le très actif Hong Hang-soo poursuit ses explorations poétiques
et fantastiques du sentiment amoureux avec ce curieux YOURSELF AND YOURS, fable savoureuse qui ne livre pas toutes les réponses.
Le Hong Sang-soo nouveau est arrivé ! À force de proposer un film chaque année, on serait presque déçu de ne pas voir surgir un nouveau cru du cinéaste coréen. Et alors qu’il est maintenant facile de réduire son univers dans un cadre ultra normalisé, avec ses codes et ses thématiques – le cinéma, l’amour, les bars, l’alcool et les variations -, on ne peut nier que son écriture, si elle a un jour existé, reste d’une folle simplicité. En réalité, Hong Sang-soo est bien plus un habile magicien qui fige, par ses fausses redondances, les réflexions habituelles sur l’amour éprouvé entre deux personnes et qui confèrent à sa mise en scène une percutante tromperie. Ses idées narratives arrivant au jour le jour, couchées sur des coins de tables avant de s’atteler au tournage, traversent toujours chaque film d’une troublante fantaisie. Ce dernier long métrage en date reste donc une sympathique porte d’entrée dans cette ébouriffante filmographie et enchantera certainement les aficionados.
Très justement pointé par Antoine (voir critique de Un jour avec, un jour sans), on pourrait ranger sans peine chacune des œuvres du cinéaste dans une prolifique série télévisée, traitant avec audace des relations amoureuses et leurs infinitésimales oscillations. Ainsi, quand Youngsoo apprend que sa petite amie Minjung a bu un verre avec un homme, le couple s’effondre. Dans une affreuse peine, littéralement blessé, Youngsoo fait ce qu’il peut pour retrouver Minjung alors qu’au même moment, elle – ou sa sœur jumelle, ou un sosie –, arpente les bars à la rencontre de nouveaux prétendants qui assurent, eux. Ici, Hong Sang-soo ne va pas rejouer ses scènes, qui restent par ailleurs très mécaniques – plans séquence fixes, zoom avant/arrière, interlude musicale -, il va plutôt convoquer la multiplication de son personnage féminin, Minjung. Et le quiproquo s’invite alors dans YOURSELF AND YOURS.
Objet de l’étrange, YOURSELF AND YOURS rappelle, encore une fois, toute la singularité de la mise en scène de Hong Sang-soo. Ce jeu de faux semblants est sans cesse interrogateur, où il est impossible de distinguer avec aisance le réel du factice. Où s’est enfuie Minjung ? Qui sont ces femmes dont les silhouettes sont aussi familières ? Est-ce vraiment Minjung ? Feint-elle l’amnésie ? Autant d’énigmes qu’il serait vain de vouloir éclaircir et même sur lesquelles on pourrait se creuser la tête indéfiniment. Pour Hong Sang-soo, les réponses sont ailleurs. Elles se trouvent sans doutes dans le superbe quotidien, dans une joyeuse balade au fil de l’eau, ou bien dans l’innocente manière d’aborder les petits questionnements sentimentaux autour d’une bière rafraîchissante.
Aussi romanesque et drôle que sensoriellement hypnotique, YOURSELF AND YOURS ressemble davantage à une sorte de monstre hybride entre Woody Allen et Apichatpong Weerasethakul. Hong Sang-soo n’est, quant à lui, peut-être pas un esthète à la Na Hong-jin, autre figure emblématique du pays du matin calme, mais il reste un formidable poète. Dans YOURSELF AND YOURS, on se prête avec joie au jeu des sept erreurs qui termine, ici, dans un émouvant happy-end, une lumineuse candeur. Comme si l’amour, en dépit des tumultes souffreteux qu’on lui connait, n’est au final qu’un merveilleux recommencement.
Créée
le 4 févr. 2017
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