Yu-Gi-Oh!: The Dark Side of Dimensions
5.8
Yu-Gi-Oh!: The Dark Side of Dimensions

Long-métrage d'animation de Satoshi Kuwabara (2016)

Je fais partie de la fanbase de Yu-gi-oh, encore relativement jeune quand la série a débarqué chez nous, ainsi que son jeu de cartes, j'ai kiffé acheter au prix d'un studio deux place mon premier deck en japonais, traduit avec l'aide approximative d'internet.


Est-ce la raison pour laquelle j'ai toujours été plutôt tolérant avec la série animée, colossale série Z nanardesque et réjouissante qui poussait à fond son concept sans limites et sans honte ? Pour une raison qui devait tenir à une dizaine de petits détails, la première série "Yu-gi-oh", très librement adaptée du manga, jouait sans cesse sur la corde raide, entre fun et ridicule, entre classe et portnawak navrant. Une alchimie qui quelque part a de quoi rendre admiratif : au pire, les épisodes étaient un peu chiants - et ça restait à la marge - et la conclusion avait quand même de la gueule.


Tout ça, je ne l'avais jamais réalisé.


Jusqu'à ce que je regarde "The Dark Side of Dimensions", qui échoue sur absolument chaque point où la série réussissait son numéro d'équilibriste. Un cas d'école.



Le bon, l'abruti et le tyran



Yugi - désormai débarassé de son seul intérêt, à savoir le Pharaon - promène dans Domino City avec ses amis. Joey fait le con. Honda commente. Anzu assure le quota femelle (qui brille par l'absence de personnages intéressants, ici.). Et ils parlent. Ou plus exactement ils assemblent des clichés sur l'amitié, l'avenir et le bonheur qui donnent l'impression de dialogues mis dans le mauvais ordre. Certes, YGO n'a jamais brillé par la profondeur de ses dialogues mais à défaut d'autre chose, ils étaient consistants avec les évènements et suivaient une certaine logique. Voir Joey déblatérer sur le fait qu'il oubliera jamais ses amis, immédiatemment après avoir empêché un camarade de se faire tabasser, ce n'est pas seulement cliché, ça tombe de nulle part comme un parpaing (du millenium) sur un poussin. Et le pire c'est que le film ne rate jamais une occasion de faire du remplissage avec ces quatre-là, qui croisent le futur grand méchant - identifiable à sa coiffure anti-gravité - en lui souriant l'air béat. Une torture.


Le scénario raconte une sombre histoire de dimension parallèle à laquelle j'ai cessé de m'intéresser passé la première scène du méchant - dont le pouvoir est visuellement vraiment cool mais jamais suffisamment exploité par le scénario pour dépasser ce stade. Le film nous abrutit de bullshit magico-technologico-philosophico-chiant qui en gros légitime qu'à présent on pioche en faisant des fissures dans le sol (mais oui) ou qu'un disque de duel puisse repousser la magie. Ici, la suspension consentie de l'incrédulité est contrainte de se pendre si le spectateur ne veut pas décrocher ou s'écrouler de rire. Prenez les excès de la série, essayez de croire qu'elle est vraiment à son max et dites vous que le film en fait encore plus.


En se prenant grave au sérieux, en prime.



Trop, c'est trop.



Vous savez ce moment où on sent qu'on est à l'équilibre ? Quand on réalise quelque chose, artistiquement, qu'on est satisfait du résultat parce qu'on est en état de grâce mais que, enivré par cet état, on est tenté de rajouter un truc et qu'on salope tout ? Hé bien en adaptation, je pense qu'on peut appeller cet effet le "DSOD" du nom du film.


Il en tartine tellement tout le temps, partout, des tonnes, entrecoupés de scènes à la con avec le club des 5 de Yugi, qu'il fait voler en éclat le fragile équilibre que la série était parvenue à instaurer. Et c'est à cet instant précis qu'on réalise qu'en fait, cette dernière avait bel et bien des limites qu'elle ne franchissait pas, à juste titre. Chaque combat de cartes - le premier met presque 40 minutes à s'amener mine de rien - est une succession de surjeu, d'effets pompeux, de torsion dans tous les sens des règles du jeu de carte pour arranger le scénar et de plans qui donnent l'impression que la plupart des duellistes ont des fractures sur tous les membres. L'animation et les graphismes sont bien entendu supérieurs à ceux de la série, budget oblige, mais quitte à violer la perspective de cette manière et vu les moyens engagés, ça aurait été bien que ça donne des plans classes. Ce qui arrive parfois. Accidentellement, sans doute.



Fanservice du millenium



Attention, cette partie contient des spoilers sur le déroulement et la fin du film (lisez donc, ça vous épargnera de le voir).


Faute d'avoir le Pharaon à disposition (qui s'est barré chez lui à la fin de la série, on le rappelle), Kaiba fait plus ou moins office de personnage central. Ce qui est une idée particulièrement stupide, son cartésianisme et sa mauvaise foi en faisant un excellent rival et personnage secondaire mais un héros foireux. Kaiba est conçu pour que sa mauvaise foi lui revienne dans la gueule et agit au détriment du bon sens que n'importe quel spectateur maîtrise en ayant connaissance des effets de la magie. On regarde donc un personnage constipé se battre tout le film dans l'espoir de ramener Atemu (au moins si vous êtes yaoiste, vous serez content/contente), ce qui... détruit plus ou moins la fin de la série, puisqu'Atemu a terminé sa mission dans le temps présent et n'a aucune raison de revenir.


J'aurais au moins accordé un peu de crédit au film s'il avait eu les couilles de ne pas ramener le Pharaon et de laisser Kaiba sur sa résignation et sa frustration et Yugi sur le deuil d'une partie de lui-même, deux dynamiques plutôt bien exploitées dans la série. Mais non. Le Pharaon revient pour un pur instant Fan service, comme Deus Ex Machina qui ne décoche même pas une phrase et malgré tout les efforts d'animation pour rendre son arrivée classieuse, ne sert que de caution au film dans un côté McGuffin assez calamiteux. Une petite mention, cependant pour le plan final qui lui, a un côté légèrement plus sympathique, tout simplement parce qu'il opte pour une sobriété plus adaptée. Atemu est un personnage fort et n'a pas besoin d'une telle débauche d'effets pour être efficace, une notion de base que les réalisateurs n'ont visiblement pas compris.


Ce qui ressort de manière criante de ce "Dark Side of Dimensions" c'est que... Yu-gi-oh est terminé. Tout a été dit, l'arc narratif du pharaon est bouclé, chaque personnage a atteint à son échelle son but ou au moins un accomplissement (Joey est désormais un duelliste aguerri, Yugi a une vision plus nette de ce que sera son avenir et Anzu, comme Honda, sont très contents de n'avoir vraiment servi à rien et de continuer dans cette voie...). Vouloir relancer la franchise était artistiquement vain et cet amas d'images émaillé de dialogues débiles incapable de la moindre auto-dérision en est la preuve la plus flagrante. Comme quoi, même une série Z a des règles et un cadre précis qu'il ne faut pas transgresser. En espérant que ce coup-ci, le Pharaon reste où il est pour nous éviter un autre film. Le royaume des ténèbres du Fan-Service est malheureusement toujours vivace.

SubaruKondo
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le 10 mai 2018

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SubaruKondo

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