À propos de Casablanca ou de La Passion de Jeanne d’Arc, il est dit que ces films ont d’abord pris le temps de vivre, sous-entendant que le geste de l’artiste ne consiste qu’à capter et capturer des instants et des mouvements qu’il a certes engendrés, mais dont il n’est pas le détenteur ; la caméra serait alors l’instrument d’un sauvetage et d’une immortalisation. Et si ce fantasme, en partie faux compte tenu des œuvres investies, atteste l’aveuglement de James Franco devant un panthéon cinématographique qu’il aime de tout son cœur mais auquel il peine à comprendre grand-chose, il révèle également son incapacité à produire ce qu’il vénère, soit du vécu, du véritable, du sincère à partir d’artifices pourtant minutieusement analysés.
C’est dire que Zeroville se pense comme la scène et les coulisses, rappelant en moins bien encore The Disaster Artist : comme si la technicité constituait un garde-fou le protégeant de l’échec et un tremplin grâce auquel il accéderait au septième art. Or, rien de tel, sinon une tentative ratée de rendre hommage à l’âge d’or d’un Hollywood rêvé et remis à la sauce vulgaire qui caractérise si bien le style Franco ; tentative doublée d’un narcissisme qui commence franchement à agacer. Franco, comme son personnage, adopte des poses et des postures glanées à droite à gauche, comme si le talent, voire le génie, pouvaient se décalquer, se transférer par du physique, du matériel. Tout n’est que surface et apparence, sans jamais porter un regard critique ou réflexif sur cette industrie du faux à créer du vrai, sur la propension de l’artiste à injecter dans une technique ou un ensemble de techniques son âme, sa passion, son être tout entier.
Zeroville est nul, dépourvu de cette vie qu’il tente de compenser en compilant des extraits de films agglutinés les uns aux autres, pour « faire cinéphile ».