Dans le flot continuel dont nous inonde le marché du long métrage pour la jeunesse, il convient désormais de distinguer le mérite de ceux qui proposent l’exposition d’un nouvel univers. Zootopie n’est pas le énième volet d’une franchise, une adaptation d’un manga, d’un jeu vidéo ou de jouets quelconque, mais bien une idée originale.
Toute la première partie permet donc la découverte d’une ville où cohabitent les espèces animales, civilisées comme pourraient l’être (du moins officiellement) les hommes. Outre l’intrigue et les ressorts humanistes de l’utopie, c’est surtout la cartographie du lieu (présentée via un monorail qui reprend fortement l’une des plus belles séquences d’A la poursuite de demain) qui réserve sa petite part d’enchantement : la profusion des espèces, une répartition climatique par quartiers, occasionnant une variété des décors servis par une animation de qualité, et dans le détail, un jeu constant sur les différentes proportions des habitants. Dans la plupart des séquences, on jouera sur la richesse de ces potentialités : une course poursuite dans sourisville par deux protagonistes qui y semblent des godzillas, un jeu sur les clichés attribués à chaque espace (les paresseux, les loups ne pouvant s’empêcher d’hurler) ou sur la taille, évidemment : du sexisme dont est victime la lapine principale à l’arnaque possible avec un fenec gangsta feignant d’être un enfant en bas âge, les idées fusent en permanence.
L’intrigue est certes assez linéaire, et semble un moment ronronner avant de prendre des directions relativement intéressantes : il s’agit conjointement de désactiver les mythes inhérents l’utopie, tout en renversant les pôles traditionnels de la domination des forts par les faibles : les réflexions lancées çà et là sur la force du nombre (les « proies » étant 10 fois supérieures aux « prédateurs »), la manipulation et le pouvoir par la peur sont plutôt bien amenées.
Une autre qualité est aussi à chercher dans la trempe de ses personnages : le duo de ce buddy movie lapin/renard fonctionne tout à fait, et même s’il est cousu de fil blanc, sur les traces d’un Rox & Rouky, on nous donne les moyens et le temps de s’y attacher.
Certes, quelques facilités dans la vanne censées séduire les parents dans la salle ne sont pas toujours très fines (les références au Parrain, ou à Breaking Bad par exemple), et le foisonnement des décors et des retournements peut perdre un peu les plus jeunes du public. Mais on est bien loin de l’ironie putassière devenue coutumière dans l’animation, en témoignent les bandes annonces énucléantes vues en début de séance.
Fraicheur, découverte, attendrissement : Disney reste dans la course, avec un retour à l’enfance qui peut s’avérer salutaire.