Un cruel manque d'ambition

Quand j'ai le choix entre débuter par le solo ou le multijoueur, j'ai très souvent tendance à débuter par le solo ; Les raisons sont simples : ça me permet de comprendre les mécaniques du titre en prenant mon temps et sans faire chier les autres joueurs tout en me permettant de comprendre les différentes thématiques et comment elles ont voulu être abordées par les développeurs. Bien sûr, on n'achète pas un Battlefield pour son solo : ils n'ont jamais été exceptionnels jusqu'à là et c'est bien la composante multijoueur qui définit la série... Pourtant ce solo est bien présent, il a demandé du temps et de l'investissement à des équipes qui auraient très bien pu s'attarder sur d'autres points présents dans le jeu : comme d'autres maps, de nouvelles armes ou encore approfondir l'équilibrage. De surcroît, Dice n'en est pas à son premier coup d'essai en ce qui concerne le solo dans la série, loin de là : on pourrait donc s'attendre à une certaine maîtrise si ce n'est au minimum l'apprentissage des erreurs passées.

Autant ne pas y aller par quatre chemins : la campagne de Battlefield 1 est nulle. Mais genre vraiment nul. J'en ai fais des campagnes solo de merde mais celle-ci reste exceptionnellement mauvaise et truste sans problème mon top des pires campagnes solo possibles pour un FPS.
Clairement, les développeurs ne savaient pas où aller ; Pour faire simple, si on se décide à faire la campagne dans l'ordre on a :
- Un didacticiel se voulant larmoyant au possible nous rappelant toutes les minutes que la guerre c'est mal
- Une sorte de gros didacticiel pour les chars dans lequel on contrôle le pilote d'un Mark V ; Accessoirement, cette campagne met en scène l'une des meilleures mise en abyme du jeu vidéo grâce à sa scène du pigeon
- Un autre gros didacticiel, centré sur l'aviation cette fois-ci... Avions dont la maniabilité a été plus adapté pour le pad que pour le clavier/souris
- Une campagne dans laquelle on y contrôle un membre des arditi (des soldats volontaires italiens), dont certains étaient équipés d'armure et de casque quasi-moyenâgeux... Les développeurs semblent avoir confondu science-fiction et histoire avec cette campagne tant on a plus l'impression de contrôler Robocop qu'autre chose (Fun fact : les Arditi seront les premiers à rejoindre les différents mouvements fascistes Italiens après la première guerre mondiale)
- Une campagne dans laquelle on contrôle un Australien qui va tout faire pour sauver d'autres Australien, notamment en se sacrifiant à la fin de cette campagne... Aucun spoil là dedans si on possède un cerveau, c'est cliché et chiant au possible
- Enfin, une dernière campagne dans laquelle on contrôle une bédouine qui accompagne Lawrence d'Arabie
Énorme point noir : on a ici un gros patchwork ; Les campagnes n'ont aucun lien entre elles, se succèdent n'importe comment (la seule logique que je vois est géographique, on commence par le Nord-Ouest de l'Europe pour peu à peu s'enfoncer vers le Sud-Est et arriver au Moyen-Orient), traitent chacune leur sujet d'une manière complètement différente, en enquillant au passage tous les clichés possibles et inimaginables et semblent partir chacune de leur côté comme si on avait dispatché les développeurs en plusieurs équipes et qu'on leur aurait balancé "Débrouillez-vous"... Le petit bonus ridicule est qu'on se retape systématiquement les mêmes guides et conseils à la con au début de chaque campagne.
Qualitativement, les deux seules campagnes à sortir du lot sont la dernière, notamment car elle nous permet d'approcher les situations de différentes manières sur des maps plutôt ouvertes, ainsi que le didacticiel car c'est le seul à "un peu" essayer de traiter son sujet sérieusement.
La première campagne (celle en tank donc) est passable et les trois autres campagnes totalement ratées.
Bref, au total seul un cinquième du jeu est réussi si on omet le didacticiel.

Bien évidemment, impossible d'évoquer Battlefield 1 sans évoquer le fait que deux des nations ayant le plus subit de pertes, à savoir la France et la Russie (et qui à elles seules représentent plus de la moitié des pertes militaires des alliées), ne sont pas présentes dans le jeu original.
Les développeurs ont préféré mettre en avant l'Empire Britannique, les États-Unis et l'Italie pour les pays alliés ; L'Allemagne, l'Empire Austro-Hongrois et l'Empire Ottoman pour les puissances centrales.
Il y a, à mon avis, deux raisons à avoir choisis ces pays là. La première, faire plaisir aux joueurs plus "beaufs" en leur donnant ce qu'ils connaissent déjà et ce qu'ils veulent voir, à savoir des américains, des anglais et Lawrence d'Arabie (ça devait justement être trop compliqué pour un public un peu abruti de s'attarder sur le front Ottoman sans l'évoquer)... Les Italiens étant uniquement là pour justifier la présence de l'Empire Austro-Hongrois.
La seconde étant tout simplement de profiter du bad buzz autour de l'absence de ces 2 nations afin de faire une publicité en amont autour des DLC les concernant. C'est à la fois extrêmement sarcastique mais aussi extrêmement intelligent bien que je pense que ça n'aurait pas été aussi bien accepté par la communauté si ils avaient décidé de faire la même chose il y a quelques années... Au fond, je pense que ça témoigne du fait que le public de la série n'est plus le même d'années en années, les joueurs les plus exigeants étant parti sur autre chose pour laisser place à un public plus "maniable" ; Ce qui expliquerait aussi pourquoi la série perd en réalisme d'années en années pour gagner en côté arcade.
En fait, même en oubliant le fait que la France et la Russie ne sont pas présents, on peut difficilement jouer au titre sans observer un énorme manque d'ambition de la part des développeurs, surreprésenter les pays Anglo-saxons est une chose, traiter un conflit aussi complexe que celui qu'est la première guerre mondiale aussi manichéennement en est une autre.
Les Allemands sont donc encore une fois de plus rien que de simple cibles se contentant de bouger et de gueuler comme dans n'importe quel autre jeu portant sur la seconde guerre mondiale, le jeu va même plus loin en nous présentant le seul personnage membre de la Triple Alliance comme un taré sadique et sanguinaire... Les années 80 semblent avoir fait leur grand retour même dans le jeu vidéo.

Bref, je vais m'arrêter de parler de la campagne ici mais comprenez bien que c'est un désastre... Ou un exploit je sais pas.
Non parce qu'arriver à foirer autant un solo... Pour un studio aussi imposant que Dice... Et vu le budget du titre... Il fallait le faire quand même.
Si j'avais dû noter Battlefield 1 uniquement sur sa campagne comprenez bien qu'il aurait eu un 2/10.

Mais heureusement, on joue avant tout à Battlefield pour son multijoueur.
Par rapport à Battlefield 4, ce nouvel épisode a su bénéficier de quelques améliorations, c'est par exemple beaucoup plus équilibré mais aussi beaucoup plus technique : les véhicules sont bien moins cheatés que dans les précédents épisodes de la série et on peut facilement détruire un char ou un avion si on arrive un minimum à s'organiser... Malheureusement, on touche la à l'un des principaux défauts de ce multijoueur : le teamplay.
Dans les anciens Battlefield il n'y avait pas de problèmes de ce type : les classes liées à la destruction détruisaient les véhicules tandis que les médecins faisaient tout pour qu'ils restent en vie et au même moment les soutiens faisaient en sorte qu'ils ne manquent pas de munitions.
Ici, il faut bien avouer qu'on a plus affaire à un gros bordel qu'autre chose. Beaucoup de joueurs partent de n'importe quel côté ou foncent droit vers l'ennemi sans tenter d'adopter une once de stratégie. Le pire je crois que c'est les médics qui restent plantés à 2 mètres de nous mais préfèrent nous regarder crever plutôt que de venir nous sauver, quand bien même il n'y a aucun ennemi à côté... Le pire dans tout ça c'est que c'est clairement les médics qui ont les pires armes du jeu, jouer avec cette classe juste pour du frag est juste complètement con.
Dans le même registre, quand on joue nous médic', il arrive très régulièrement que des joueurs se suicident pour réapparaître plus vite plutôt que d'attendre qu'on puisse venir les sauver, c'est particulièrement rageant dans les modes de jeux où l'on possède un nombre de vie limitées.
Franchement, j'ai jamais vu un teamplay aussi ridicule dans un jeu, ça m'est arrivé extrêmement souvent de quitter une partie pour en retrouver une autre à cause de ça.
Il faut ajouter à cela l'équilibrage, complètement raté, qui fait qu'on détecte dès les premières minutes quelle équipe va l'emporter... C'est con mais contrairement aux autres épisodes de la série, j'ai rarement eu l'occasion d'avoir affaire à une fin de match dans laquelle les scores des deux équipes sont extrêmement serrées et où tout se joue dans les dernières secondes ; Clairement, 90% du temps c'est plié après quelques minutes de jeu...
Pour rester sur les défauts, on notera des problèmes de hitbox, principalement quand on joue un sniper et qu'on est allongé : nos balles heurtant des murs invisibles plutôt que de toucher l'ennemi.

Pour en revenir aux améliorations, même si c'est encore loin d'être parfait, on peut noter une nette amélioration dans le level-design des maps par rapport à Battlefield 4... Il faut dire aussi que ce dernier était l'exemple de ce qu'il ne fallait pas faire. Avec Battlefield 1, bien que quelques maps soient ratées, globalement, on a affaire à des cartes construites intelligemment, avec plusieurs circuits afin d'éviter les dispersions
On peut aussi noter la disparition du battlelogs, grande plaie qui avait fait son apparition avec Battlefield 3 ; Par contre, le fait d'avoir des stats à la con qui mettent en avant notre ratio T/M restent toujours aussi inutile (voir même contre-productif) pour un jeu de cet acabit.
Aussi, les développeurs ont amélioré le mode opération : on a maintenant affaire à un enchaînement de 2 à 3 maps pour lesquelles l'équipe attaquante possède 3 assauts afin de gagner l'opération complète.
De plus, afin d'éviter que ce soit toujours les mêmes opérations qui sont joués, toutes les 2 semaines, deux des neuf opérations disponibles sont mises en avant et les terminer nous permet d'obtenir des bonus cosmétiques via de fameuses lootboxes.
Par contre, les développeurs auraient pu éviter de tenter de nous raconter des trucs à chaque fin d'opérations, ainsi on a droit à du classique "Sans les américains [blabla]..." ou "Si les Britanniques n'avaient pas fait ça [blabla]..."... Ça ne dure que 20 secondes à chaque fois mais ça arrive quand même à se montrer inexacte... Prodigieux !
Dans le même registre, il faut noter que le titre exploite assez peu son contexte historique : la guerre des tranchées étant quasiment absente et les armes automatiques omniprésentes, on a bien plus l'impression de jouer à un jeu sur la seconde guerre mondiale qu'autre chose.
On pourrait presque penser que Battlefield 1 se révèle être plus un Battlefield classique avec un skin 1ère GM qu'autre chose... Et ça l'est.
Si on peut aisément comprendre que conserver une recette qui marche est logique, se montrer aussi fainéant dans son traitement reste quand même assez décevant et clairement des efforts auraient pu être effectués de ce côté là.

Concernant les DLC, bien que disponibles gratuitement aujourd'hui, ils restent d'une qualité inégale et je dois bien avouer que j'aurais eu un peu mal de les payer plein pots :
- "They Shall not Pass", le DLC se penchant sur l'armée française, est assez chiche en contenu quand on voit le sujet qu'il traite. On peut d'ailleurs supposer que la plupart des maps ont été conçus en même temps que celle du jeu original tant elles se révèlent très proches dans leur conception.
Intérêt : passable
- "In the Name of the Tsar" est de loin le meilleur DLC du lot, proposant des maps variés et différentes du jeu original tout en ayant un level-design très réussi.
Intérêt : bon
- À partir de "Turning Tides", ça se gâte, les maps sont moins nombreuses mais aussi moins intéressantes, si Zeebruge reste à la fois atypique et réussi, Heligoland Bight est quant à elle ridicule : on peut très bien passer plus d'une dizaine de minutes à faire le tour de la map sans croiser personne.
Intérêt : mauvais
- Enfin, si "Apocalypse" propose des maps assez sympas (mais en faible nombre), il fait l'erreur de proposer avant tout des maps et modes de jeux centrées sur le combat aérien... Inutile de vous dire que ça a très vite été déserté par les joueurs.
Intérêt : mauvais
Il faut ajouter à cela le fait qu'aucun de ces DLC nous permet de jouer avec une faction plus mineure ou plus oubliée, notamment la Serbie et la Roumanie qui ne sont pas même mentionnées du tout.

Finalement, et sans surprise, ce que Battlefield 1 réussi de mieux réside dans sa technique, sa mise en scène et sa BO.
Clairement, le Frostbite 3 fait des merveilles, le jeu tourne à 60fps sur une GTX970 en high et nous propose des décors variés et agréable à l’œil... Seul bémol, la météo dynamique qui a tendance à bien faire chauffer la carte graphique.
La BO, sans être exceptionnel, est plutôt réussi ; Mais ce sont surtout les effets sonores et la spatialisation que j'ai trouvé bluffants.
En somme, le jeu nous en met systématiquement plein la vue tout en réussissant l'exploit de tourner comme un charme : clairement LE point fort du jeu... Dommage que la technique d'un jeu soit ce qui vieillit le plus vite par contre...

En somme, si Battlefield 1 n'est pas mauvais dans ses mécaniques, on ne peut que déplorer une énorme absence d'ambition pour un jeu traitant de la première guerre mondiale. Si la recette fonctionne toujours autant, cela n'empêche que Dice s'est contenté de traiter la première guerre mondiale de la même manière que n'importe quel autre studio de jeu vidéo lambda en traiterait la seconde. Pour le premier AAA de l'histoire s'attardant sur le sujet quand même... On aurait pu s'attendre à mieux.

Points positifs :
+ Le Frostbite 3 qui fait des ravages
+ Les bruitages et la BO aux tops
+ Des maps variées et globalement bien conçus
+ Le mode Opérations

Points négatifs :
- Aucun teamplay, aucun équilibrage
- La première guerre mondiale traitée n'importe comment et sans aucune ambition
- Le solo catastrophique à tout point de vue
- Beaucoup trop centré sur les pays anglosaxons
- C'est un peu toujours la même chose non ?