Une nouvelle licence forte, un gameplay exigeant et une réalisation impressionnante

Après s’être fait la main sur le petit jeu de course rapide Kinetica sur Playstation 2, le jeune studio de Sony Santa Monica se lance dans une saga qui deviendra l’étendard de leur savoir-faire comme l’une des franchises les plus fortes et emblématiques de la firme : God of War. C’est David Jeff qui s’en chargera, lui est à l’origine de la saga Twisted Metal, sympatique défouloir sans prise de tête plutôt populaire aux États-Unis. Très solidement réputé comme Beat Them All en 3D et titre majeur de sa console originale, voyons si la première sombre odyssée de Kratos s’avère à la hauteur de sa réputation. La critique étant longue, je vous propose d’écouter Aegean Storm, cette musique bien épique extraite de l’OST qui plante le décor dès les premières minutes de jeu.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★☆



God of War est apparu en 2005, soit assez tard dans la vie de la Playstation 2 déjà sur le marché depuis plus de 4 ans, mais l’avantage c’est que la machine était bien connue et Santa Monica Studio a fait un excellent travail : God of War est très impressionnant techniquement dès ce premier épisode. La qualité des textures, les effets de particule, les reflets de notre personnage, les animations très décomposées et variées... sont autant d’éléments qui montrent une vraie maîtrise de leur sujet et j’ai été assez satisfait de le constater pour ce premier épisode d’une saga renommée, entre autres, sur ce point. Il faut dire que les moyens y étaient, il s’agissait alors d’une des plus grosses productions vidéoludiques de l’histoire de Sony.


Non seulement la technique est très bonne, mais l’esthétisme est d’une grande qualité également avec des décors de grande envergure en plus d’être diversifiés. Une statue géante avec une épée au même format c’est classe, mais ça l’est encore plus quand le jeu nous invite à se promener le long de la massive lame de pierre tout en nous offrant une belle vue sur les horizons et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres où le décor se fait aussi grand qu’agréable à contempler. Ico l’avait déjà fait bien avant lui sur la même console mais ça n’en est pas moins plaisant.


D’autant que ce travail est mêlé à un système de caméra très bien conçu, opérant en toute autonomie des travellings, zooms et dézooms, plongées et contre-plongées avec beaucoup d’intelligence pour que la mise en scène en temps réel fonctionne à merveille avec les rapports de proportion entre le héros, ses ennemis et les environnements. Pour l’anecdote, ce système innovant et maîtrisé a été dirigé par la réceptionniste du studio à laquelle David Jeff voulait donner sa chance voyant la passion qu’elle avait pour l’animation, c’est aussi ça le talent des grands game-designer, aussi beaufs puissent-ils paraître, repérer les talents cachés et leur faire confiance en leur donnant les moyens de se réaliser.


Le jeu offre ainsi pas mal de plans mémorables qui viennent puiser leur inspiration directement dans la mythologie et ce n’est pas un mal une seconde vu leur efficacité. Je pourrais faire la même remarque sur les créatures dont on brise les os et crame la chair, très bien modélisées et animées même pour les plus basiques d’entre eux. L’immensité des décors peut également aller de paire avec celle de certains ennemis, à commencer par l’hydre que l’on affronte dès le début du jeu, et on est encore à quelques mois de la sortie de Shadow of the Colossus donc c’était pas encore la nouvelle référence à la sortie de cet épisode.


Le chara-design du perso est également assez classe, quelle belle idée que ce couple de chaînes achevées de ses lames imposantes, et ça peut même avoir un sens dans le scénario, notamment la blancheur de sa peau qui trouve une explication que j’ai trouvé assez bien pensé. On ne peut malheureusement pas personnaliser la tenue, en dehors de costumes complètement WFT à débloquer pour un second run, mais j’ai bien apprécié un petit détail c’est que les couleurs émanant des armes changent et deviennent plus éclatantes lorsqu’elles sont améliorées au maximum, sympa. Les dieux qui s’expriment par leur espèce de portail c’est déjà un peu moins classe mais là c’est anecdotique.


Le seul soucis technique qui fait réellement un peu tâche ce sont ces temps de chargement très maladroits qui coupent la musique et figent l’image pendant quelques secondes, c’est dommage qu’ils ne soient pas parvenu à mieux les dissimiler ou les habiller. En dehors de ça, le bilan technique et esthétique du titre est quasiment irréprochable et même aujourd’hui, le jeu fait très bien le travail. Il le ferait encore mieux s’il avait droit à une vraie remasterisation, notamment pour ses cinématiques alliasées mais la version pseudo HD de la Playstation 3 n’est malheureusement pas à la hauteur.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★☆☆



Le Beat Them All 3D a déjà vécu ses plus grandes transformations sur la console avec les licences Devil May Cry et Onimusha au début même du développement de God of War. Ne pas chercher à trop innover pour reprendre et peaufiner ce qui se fait de mieux, c’est un choix un peu facile mais c’est un choix cohérent qui a tout le potentiel de donner un excellent résultat. Ainsi, on ne peut par exemple jamais déplacer la caméra, on a systématiquement un angle de caméra pré-établi mais souvent très bien choisi autant en terme de lisibilité pendant un combat (du nombre d’ennemis, des zones d’effet des attaques...) que pour offrir de jolis plans esthétiques comme mentionné plus tôt donc ce choix est pleinement justifié et ne m’a absolument pas dérangé.


Le lock auto marche bien et changer de cible à la volée se fait de façon assez intuitive sans non plus complètement mâcher le travail, les attaques les plus puissantes ayant souvent un petit décalage à anticiper. Le maniement n’est pas si souple que ça vu qu’on ne peut pas enchaîner les esquives pas toujours évidentes à placer pertinemment et que celles-ci n’offrent pas de frame d’invulnérabilité, or les ennemis en face ne manquent pas d’agressivité ou de moyens de se protéger. Résulte de ce parti pris un jeu assez difficile dont les checkpoints sont légions et le mode de difficulté normal très généreux en points de vie pour Kratos en contrepartie, mais monter la difficulté m’a fait comprendre toute l’exigence requise derrière ce gameplay que je n’attendais pas aussi grande.


Toute la réussite de cette gestion de la difficulté c’est que le challenge ne s’impose qu’au joueur qui le recherche. Celui qui veut juste s’amuser sans trop se prendre la tête à apprendre par cœur les paterns ennemis et mémoriser des combos excessivement complexes y trouvera son compte puisque le jeu lui donnera une bonne marge d’erreur et le joueur plus aguerri pourra également s’épanouir en devant maîtriser parfaitement le système de jeu peut-être moins complexe que chez la concurrence mais avec très peu de marge d’erreur.


On retrouve tout de même différents combos que le jeu nous rappelle intelligemment en exigeant qu’on en fasse un en particulier pour briser une garde bien spécifique, ce qui rappelle son existence et son fonctionnement. Ça se combine très bien avec des ennemis très différents à affronter qui demandent souvent de changer de tactique car en groupe ou isolé, esquivant ou parant, attaquant lentement ou rapidement, de près ou à distance... malgré un léger recyclage vers la fin avec des formes plus évoluées de mobs déjà croisés plutôt que des mobs inédits mais c’est pas très grave.


Mais God of War ce n’est pas qu’une bête succession de combats, ce sont des phases de jeu assez diversifiés avec de la réflexion et de la plate-forme dont les phases les plus compliquées sont souvent réservées aux bonus à récupérer en plus de ceux à dénicher au sein d’un level-design élaboré et cohérent, ce que je trouve très pertinent. Des fois c’est même au sein du combat qu’on va devoir réfléchir pour trouver comment résoudre une énigme tout en combattant des vagues à l’infini, c’est assez osé comme parti pris.


God of War fait partie de ces premiers jeux à arborer des QTE à foison mais ils sont souvent bien utilisés, reproduisant la même architecture pour qu’il y ait une courbe de progression mais aléatoires dans les commandes à rentrer pour que ça ne devienne pas trop répétitif. La plupart du temps ils sont à ce que je pense être leur juste place, un bonus en cas de réussite et non une absolue nécessité, je reprocherai juste cette overdose de QTE où il faut massacrer la touche de sa manette, j’en comprends pas l’intérêt il n’y a rien à faire.


Il y a malheureusement quelques imprécisions dans le masque de collision notamment pour déclencher certains finishs, assez peu de boss alors que le début de l’aventure promet pas mal de ce côté-là, le mode défi pas bien intéressant et l’absence de New Game + diminuent le potentiel de rejouabilité du titre au contenu honorable mais pas non plus extra-ordinaire. Sinon, tout est déjà là ou presque avec des combats techniques, de l’exploration agréable et quelques énigmes bien sympathiques, la barre est placée haut pour que ses suites améliorent et enrichissent la formule.



SCENARIO / PERSONNAGE : ★★★★★★☆☆☆☆



On incarne un personnage réellement badass par sa tronche agressive, ses répliques cinglantes, ses violentes animations, ses actions cruelles... Le jeu va jusqu’à récompenser la mort de civils en redonnant de la vie à cette occasion. Autant ça peut avoir un intérêt de les montrer se faire massacrer par les monstres pour mettre en avant à quel point Kratos est bien plus balèze que n’importe quel humain, autant récompenser le fait de les tuer ou les tuer en cinématique gratuitement ça créé des incohérences avec certains choix scénaristiques.


Dans le discours, David Jeff assume parfaitement son parti pris ultra-violent, concept de base de l’univers :



Et si Paul Verhoeven avait réalisé le Choc des Titans ? J’aime cette violence exagérée dans le cinéma et les jeux vidéo. Il fallait nous assurer que ce soit brutal et intense car sinon ça aurait juste eu l’air d’un gars qui court vêtu d’une toge et équipé d’un casque.



Dans les faits, on présente une quête de rédemption du protagoniste pour ses crimes passés mais il en commet plein d’autres pour y parvenir, même si vous faites gaffe à ne pas tuer de civils en jeu ça se fera en cinématique, impossible de ne pas incarner un personnage malveillant gratuitement. La logique est la même avec le sacrifice du soldat zombifié qui était autrefois un être humain et dont l’idée de le sacrifier donne un petit sourire en coin à Kratos, le jeu vient de nous révéler qu’on tue des êtres humains depuis le début et ça fait marrer notre personnage !


Sans demander à ce que Kratos s’effondre en larmes sur le choc de la révélation, ce qui n’irait pas très bien avec le personnage il faut bien l’admettre, il aurait pu afficher une tête un peu plus dramatique, ou sérieuse, ou déterminée, mais pas ce sourire en coin. Ou alors le jeu doit assumer totalement l’anti-héros qu’il présente en lui confiant une quête de pure vengeance aveugle sans jamais faire mention de la recherche d’une quelconque rédemption, en faire une bête sauvage assoiffée de sang et rien d’autre. Ça ne me dérange pas qu’on nous montre une armée à massacrer sans aucune nuance mais dans ce cas-là on affronte que des soldats diabolisés et on n’inclue pas de civils ou des révélations qui humanisent les ennemis, c’est contre-productif.


Pour la fin en elle-même, je l’ai trouvé intéressante mais je pense qu’il y avait matière à proposer deux fins différentes et s’il n’y avait pas eu ces incohérences précédemment citées il y aurait eu une grande fin à mon sens :


J’aurais bien vu un choix entre se suicider sachant que la seule raison qui nous animait était la vengeance en tuant Arès ou devenir ce dieu de la guerre à sa place car c’était cette volonté-là qui nous animait et qu’on en avait rien à faire de cette famille, de toute façon le jeu laisse à penser qu’on la négligeait depuis toujours et vu comment Kratos peut traiter les femmes dans le jeu ce n’est pas du tout incohérent. On aurait pu réellement faire de Kratos un anti-héros total ou simplement un guerrier livrant son ultime bataille en espérant seulement y trouver le repos, ça aurait été plus grandiose je trouve, mais c’est jamais que mon avis.


Un autre regret c’est l’absence de VOSTFR, la VF n’est pas honteuse, on a vu ou plutôt entendu bien pire mais j’aurais préféré que le jeu laisse ce choix. Sinon il y a quand même quelques bonnes idées, notamment cette narration en flashback qui explique certaines choses auquel je m’attendais pas forcément et a un minimum retenu mon intérêt. Le jeu n’est jamais excessivement bavard pour rien, ce qui rend son scénario pas si dommageable que ça à l’expérience de jeu malgré sa qualité que je trouve très moyenne. Mais à ce stade vous avez compris que c’est le seul vrai reproche que j’adresse au titre.



CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆



God of War est encore aujourd’hui une des plus fortes licences de Sony et sa grande qualité dès ce premier épisode n’y est sans doute pas pour rien, si son scénario avait été à la hauteur de ses graphismes et de son gameplay il figurerait sans doute parmi mes jeux préférés, là c’est pas le cas mais ça n’en est pas si loin non plus et il n’a clairement pas démérité sa réputation d’excellent Beat Them All, d’incontournable de la Playstation 2 et même de toute la sixième génération de consoles. Reste à savoir si cela j’ai le même avis sur sa suite : God of War 2.

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le 26 janv. 2018

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