Trois ans d’attente pour qu’enfin la saga God of War arrive sur septième génération de console là où God of War II l’avait si magnifiquement teasé. Après un premier épisode aux bases solides et un deuxième à la richesse et à la qualité plus grandes encore, le passage d’une génération à l’autre est-il l’occasion pour Santa Monica Studio d’achever leur trilogie dans la gloire la plus absolue ou de façon peut-être un peu plus mitigé ? C’est bien à cette question que je vais répondre avec ma critique assez longue pendant laquelle je vous recommande Brothers of Blood histoire de poser l’ambiance.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : 9 / 10
Bien évidemment, les développeurs ont pris le temps pour appréhender la Playstation 3 et correctement l’exploiter, c’était promis par Sony qui avait réservé la conclusion de leur conférence de l’E3 2009 à la présentation de cet épisode et ça se sent pour tout le bilan technique que l’on peut en retirer de ce jeu de 2010. La caméra peut zoomer autant qu'elle veut sur Kratos on ne pourra jamais le prendre en défaut avec ses polygones X fois plus nombreux, les éclairages dynamiques dans les endroits sombres rendent merveilleusement bien... Quelques arrières-plans sont somptueux, mention spéciale au tout dernier avec éclairs et tornades qui s’ils ne sont pas inédits dans la saga n’en demeurent pas moins du plus bel effet, d'autres arrières-plans sont malheureusement un peu plus dépouillés et flous mais là c’est parque que le niveau d’exigence est élevé.
Les angles de caméra prédéterminés marchent toujours aussi bien, on aurait pu s’attendre à ce que ce fonctionnement soit revu mais les développeurs ont préféré resté sur un terrain familier, à tel point qu’ils ont d’abord porté le moteur du deuxième épisode sur Playstation 3 avant de le retaper pour être dans une stricte continuité dans leur travail. Je les comprends, on peut aussi argumenter comme quoi ça fait partie de l’ADN de la saga et que ça ferait étrange de changer la formule au dernier épisode de la trilogie mais je regrette tout de même un peu qu’ils n’aient même pas essayé de passer en caméra libre pour apporter du neuf mais comme ça reste de grande qualité c’est un tout petit reproche.
La mise en scène rythmé et épique continue d’offrir toute son intensité à des affrontements titanesques qui n’hésitent pas à nous retourner dans tous les sens et à se dérouler à grande échelle autour de nous pendant qu’on réalise nous-même des actions ultra spectaculaires, c’est à un niveau proprement incroyable ! Ils ne sont malheureusement pas si nombreux que ça, le prologue peut laisser penser le contraire, même syndrome que God of War I, mais ils sont tout de même de grande qualité sans aucun doute malgré les standards déjà très élevés de la saga sur PS2, ce qui est déjà un tour de force.
La direction artistique mythologique s'avère une nouvelle fois très efficace, particulièrement en enfer avec le chant mélancolique de Pandora en fond sonore à la manière de la traversée du désert du premier opus, mais également en extérieur avec un mont Olympe en proie au chaos que nous semons dans notre sillage dans le ton des villes à feu et à sang des précédentes aventures. La surenchère de violence est très bien rendue visuellement, quant à savoir si elle pertinente dans le fond on y reviendra dans la catégorie dédiée au scénario.
Les affrontements sont bourrés d'effets visuels magnifiques avec une fluidité impressionnante et très appréciable, même quand 50 ennemis se ruent sur vous le jeu ne rame pas une seconde. C’est un aspect technique important dont on peut craindre le pire quand un jeu est aussi beau que ça mais pas d’inquiétude ici. Le jeu est très grande réussite technique et esthétique, le deuxième épisode avait le mérite de faire exprimer un potentiel quasi inégalée sur son support, God of War III arrive en milieu de vie de sa console donc l’impact est peut-être sensiblement moindre mais c’est le contexte qui fait ça.
GAMEPLAY / CONTENU : 8 / 10
Si le jeu commence avec un gameplay très proche de celui du deuxième épisode allant jusqu’à reprendre des combos très précis et très identifiables, la fin du prologue remet les compteurs à 0 comme habituellement pour repartir sur la même formule mais qui s’enrichira au fur et à mesure encore plus que jamais à la manière de God of War II. Pas de la même façon pour autant puisqu’un rééquilibrage a tout de même été opéré avec une distinction plus nette entre les attaques via les armes secondaires et les magies plus traditionnelles (barre bleue et barre jaune dans l’interface plutôt qu’une seule barre bleue pour tout).
La possibilité de faire d’un mob un bélier après une prise, de foncer sur lui d’un coup en l’agrippant brutalement, de changer d’arme à la volée sans avoir à passer par le menu pour en sélectionner une troisième... dynamisent un peu plus les combats mais c’est pas non plus un énorme changement dans la philosophie de jeu, c’est juste un peu plus agressif, moins porté sur la gestion des distances qui était due à des combos longs à réaliser pour en venir aux attaques les plus dévastatrices, ce n’est pas pour me déplaire.
On retrouve toujours des embranchements pour trouver des bonus ici et là qui brisent la linéarité du level-design qui alternent entre des couloirs et de vastes zones dans lesquelles on revient fréquemment avec quelque chose en plus ou une évolution de l’agencement des lieux, pas de changement de ce côté-là et c’est très bien comme ça. On laisse toujours un peu de place à l'exploration et la réflexion dont la qualité n’a pas diminué un instant, mention spéciale au dédale à la difficulté très bien dosée et à la salle Portal-like.
Quant aux boss, je les ai trouvé très inégaux, certains sont impressionnants (Chronos), certains sont intéressants à combattre (Scorpion), certains sont les deux (Zeus) et d'autres sont ni l'un ni l'autre (Hermès), je m'attendais à plus de qualité tout du long, les meilleurs suffisent à rattraper le niveau mais on ne retrouve pas le bond de qualité qu’on avait connu à ce niveau-là entre God of War I et God of War II et si on retire l’aspect mise en scène pour se concentrer uniquement sur les combats je pense même que le deuxième épisode est supérieur.
La progression des armes est toujours très linéaire, l'overdose de QTE (un peu plus faciles à réaliser) qui servent pas à grand chose montrent bien les limites de ce système, le mode défi est une nouvelle fois sans grand intérêt... aucun de ces problèmes-là n’est grave une seconde mais le passage d’une génération aurait pu justifier leur correction je pense. Le gameplay est excellent mais ses forces reposent un peu trop à mon sens sur les forces de God of War II pour crier au génie, la plus-value propre à ce God of War III n’est pas si développée que ça, surtout quand on prend en compte les 3 ans et la nouvelle console qui les séparent.
SCENARIO / PERSONNAGE : 6 / 10
Reprendre directement à la fin de God of War II s’imposait et qu’est-ce que c’est dantesque ! Bon c’est dommage que la qualité d’écriture assez moyenne de la saga n’arrive pas à tant justifier que ça la détermination exacerbée de Kratos ou la violence dont il peut faire preuve au centuple, ça vaut autant pour cet épisode que pour les autres en règle générale. Par contre, envoyer autant dès le début, forcément c’est un parti pris qui a vite un effet boomerang en ce sens où le jeu n’arrive qu’à retrouver de temps en temps ce niveau sans jamais le surpasser à mon sens alors qu’avec une telle promesse lors de la première heure de jeu laissait rêveur.
Ce qui est vachement dommage parce que du coup le passage que je trouve le plus réussi en terme de mise en scène, le plus entraînant, n’est pas celui qui a les enjeux scénaristiques les plus importants et ça créé un décalage un peu idiot. La scène la plus dantesque sera toujours limité par un fond qui n’est pas en adéquation avec cette démesure. Poséïdon n’est qu’un lieutenant de Zeus, n’a jamais rien fait contre Kratos jusque-là, se bat à la régulière sans particulièrement faire preuve d’immoralité à quelques instant que ce soit, sa mise à mort a beau être mis en scène formidablement bien c’est un coup d’épée dans l’eau sans mauvais jeu de mot.
Le caractère impitoyable et sanguinaire de Kratos transporte efficacement le scénario avec des mises à mort violentes en règle générale qui se mêlent parfaitement à l'aspect défouloir du Beat Them All mais pas au scénario qui ne justifie pas à mon sens autant de violence, pour moi Kratos est le premier responsable de tous ses malheurs. Par ailleurs, j'ai trouvé que certaines scènes étaient un peu trop tourné vers le gore juste pour faire du gore, notamment avec ce pauvre Chronos auquel on n'en fait voir de toutes les couleurs alors qu'en plus c'est pas vraiment un ennemi que hait Kratos, il est presque simplement sur son chemin.
La fin est assez intéressante dans l’idée mais elle n’exploite pas assez son potentiel et souffre de tous les problèmes antérieurs. C’est vraiment dommage car je pense qu’il y avait quelque chose à faire avec un dilemme moral à proposer entre conserver son libre-arbitre et offrir à l’humanité sa totale indépendance aux dieux en dépit des risques ou alors faire confiance à Athéna qui promet de réussir là où Zeus a échoué. Ça aurait été un bon choix moral, un fond intelligent... mais au final c’est imposé, pas subtil et avec un petit cliffhanger pour ne pas totalement terminer l’histoire.
Enfin la VOSTFR est disponible et ça c’est sympa, la VO étant exceptionnel, la proposer dans les menus avec le sous-titrage traduit est pour moi un petit point fort à lui seul. Entre ça, quelques scènes très réussies et le potentiel de la fin, God of War manque pour la troisième fois de suite de développer un scénario de qualité malgré ses quelques réussites, c’est au final moyen sans être trop dérangeant de par la mise en retrait et l’adéquation de Kratos violent avec l’expérience ludique violente.
CONCLUSION : 8 / 10
Techniquement et artistiquement God of War III est quasiment irréprochable, assez réussi dans son gameplay avec quelques nouveautés bienvenues sans être transcendantes, toujours un peu bancal du côté du scénario, c’est dans la continuité qualitative de la saga, mon épisode préféré reste le 2 mais c’est une exclusivité PS3 des plus intéressantes même si je le trouve légèrement surestimée comparé à d'autres Beat Them All 3D de sa génération sortis la même année (Lords of Shadow et Bayonetta).