Après Jak & Daxter 1 The Precursor Legacy, Naughty Dog rempile pour une suite directe comme ils avaient pu le faire pour Crash à ceci près que là ils préfèrent opérer un changement majeur dans l’ambiance plus sombre, le scénario plus bavard et une ville comme hub central à la manière d’un GTA plutôt que de reprendre fidèlement les bases du premier épisode. Une prise de risque que je respecte dans l’idée mais qui demande à être réussie dans la pratique et si un consensus s’accorde sur le fait que c’est bien tout en étant inférieur au premier épisode et trop différent de ce dernier, je ne suis clairement pas de cet avis. La critique étant longue, je vous recommande l’écoute de Mountain Temple pendant la lecture pour comprendre mon point de vue.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : 8 / 10
Dès que les premières minutes de l’intro se terminent, adieu les couleurs éclatantes tant appréciées du premier épisode et bonjour aux couleurs bien sombres, en même temps le jeu démarre par l’évasion d’une prison pour arriver dans un ghetto, il faut admettre que le choix des couleurs se justifie. De plus, si le choix des couleurs assez sombres sera toujours expliqué par le scénario, c’est aussi pour laisser place à des environnements plus colorés de temps à autre. Ces derniers marchent d’autant mieux qu’ils sont en contraste avec le ton général du jeu donc pour moi ces couleurs plus sombres relèvent d’un choix artistique assumé, cohérent et réussi.
La première fois qu’on arrive aux montagnes fait par exemple partie des moments marquants du jeu qui sont rendus possibles par ce choix que j’apprécie grandement. Je comprend qu’on préfère le premier épisode pour son ambiance très différente mais ce n’est pas parce qu’elle est plus réussie, simplement différente. J’adore également le design des nouveaux ennemis de ce Jak 2, que ce soit l’amure des soldats Grenagardes ou les Metal Heads avec leur gemme crânienne brillant dans l’obscurité. Les personnages principaux ont quasiment tous un look assez recherché et souvent très classe avec tatouages tribaux, fringues usés, armes stylées... Ça contribue à l’ambiance plus sombre de l’épisode.
Sur le plan technique, les animations sont toujours aussi réussies, décomposées et cohérentes : frapper avec une arme en main donnera une animation différente que sans, le morph gun est une bonne excuse pour justifier le switch d’une arme à une autre visuellement là où beaucoup d’autres jeux se contentent d’une incohérence sur la question, les créatures ennemies peuvent parfois changer de posture selon la situation... on retrouve le soin du détail du premier épisode sans surprise. Par contre ce qui a évolué, ce sont les cinématiques avec le moteur du jeu beaucoup plus nombreuses et mises en scène qu’avant et la plupart sont assez réussies.
Le gros point fort c’est qu’il n’y a toujours pas de temps de chargement entre la plupart des zones, ce qui était encore loin d’être une norme en 2003. On peut aller au sommet d’une tour au centre de la ville, très grande par ailleurs, on verra toute la ville en contrebas en reconnaissant très bien ses différents quartiers dans leur structure, leurs couleurs... On s’aventure loin de la ville, on finira pas trouver un point d’observation en hauteur où l’on verra la ville au loin et on saura parfaitement se situer dans ses alentours.
C’est vraiment extrêmement plaisant d’autant que là encore on pourra retrouver un cycle jour / nuit ou de la météo dynamique à l’occasion, pas très présent mais tout de même. Globalement, on est pour moi sur une réalisation et un esthétisme un cran au dessus de son prédécesseur. Il reste quelques problèmes de caméra qu’avaient déjà le premier Jak, des petits soucis de clipping absolument pas résolus dans la version soi-disant HD comme d’habitude et quelques musiques un peu redondantes à la longue... des défauts bien réels mais pas bien méchants en somme.
GAMEPLAY / CONTENU : 8 / 10
Si le maniement de base est identique à ce qui se faisait avant, le gameplay s’est énormément diversifié avec notamment conduite en véhicule et armes à feu. Les véhicules proposent une façon de jouer assez technique et riche puisque répartis en poids léger, intermédiaire et lourd influant sur la résistance, le maniement et la vitesse, avec un axe vertical sur 2 niveaux qui s’adaptent bien à la topographie en temps réel et la possibilité de tirer tout en conduisant. Lorsqu’on s’éjecte, on peut aller jusqu’à calculer notre coup pour s’approcher d’un autre véhicule et du coup passer de l’un à l’autre à la volée, ce qui est super jouissif et utile.
Les armes ne transforment absolument pas Jak 2 en jeu de tir mais elles sont plutôt là pour remplacer les variations de gameplay par les échos. Ce qu’elles arrivent à faire plutôt bien en offrant un petit aspect addictif à l’aventure puisqu’elles s’améliorent avec le temps. Ça n’enrichit pas non plus énormément les choses, tout comme les capacités suite à la transformation en Dark Jak, mais déjà un peu plus que les échos dont seule l’écho noire a survécu avec un système qui reprend celui de la vie dans Jak 1. Dans cet épisode la vie, assez précieuse par ailleurs, se régénère via des trousses qui bien sûr se raréfient au fil du jeu.
On retrouve un plus grand challenge avec des checkpoints plus éloignés les uns des autres, la possibilité de se faire enchaîner assez vite par les ennemis, des défis annexes avancés qui ne nous laissent pas beaucoup de marge d’erreur... Mais ça reste tout à fait faisable et le plus souvent la mort est causée par une erreur de notre part malgré quelques pics de difficultés un peu trop élevés par moment. De plus, c’est cohérent avec le fait que Jak 2 est une suite à un jeu qui s’est très bien vendu donc on peut partir du principe que les joueurs ont déjà le gameplay à peu près en main et veulent quelque-chose de plus complexe, sachant que Jak 1 était tout de même très accessible à mon sens.
Et si c’est la diversité qui pose problème, il reste des phases de jeu de plates-formes 3D pur jus avec des zones entières qui y sont dédiées, avec même un passage à la manière du Boulder Dash de Crash Bandicoot, comprenant des idées suffisamment inédites et n’étant qu’un court passage pour que l’on ne puisse pas dire qu’il soit peu inspiré. Le skate qui au début laisse à penser que le jeu veut là encore se diversifier est plus là pour enrichir les phases de plates-formes en pouvant se déclencher à n’importe quel moment afin d’atteindre des endroits jusque là inaccessibles, une très bonne idée.
Enfin, la durée de vie est presque deux fois plus longue et c’est la première fois que Naughty Dog va jusque là, quand en plus c’est de qualité ça s’apprécie. Il y a tout de même des défauts, un boss final un peu trop facile, quelques objectifs originaux qui peuvent être limités par une IA alliée un peu à côté de ses pompes par moment, un level-design qui n’est pas extra-ordinaire... mais de façon générale je trouve l’ensemble du jeu supérieur à son prédécesseur sur ce point-là qui constitue le plus gros point fort du titre.
SCENARIO / HUMOUR : 7 / 10
Si ce sont les mêmes scénaristes que pour le premier épisode, je trouve que sur le scénario là aussi il y a eu du progrès. L’intrigue en elle-même est plutôt bien foutue avec ses rebondissements, ses traîtres des deux côtés, son petit degré de relecture de certains passages au deuxième run, ses antagonistes charismatiques, ses personnages féminins inédits très badass… La thématique du voyage dans le temps amène quelques incohérences difficiles à éviter mais que le jeu assume avec de l’auto-dérision, Kiera relevant une incohérence que Daxter s’empresse d’interrompre parce que c’est trop prise de tête pour rien.
Les très bons doubleurs français du premier sont toujours là et reçoivent même du renfort de renom avec Alain Dorval le doubleur attitré de Silverster Staloone, Pascal Renwick qui a doublé Arnold Schwarzenegger dans le premier Terminator... Jak est enfin doublé, par Damien Boisseau la voix française de Matt Damon, ce brave Daxter se charge même de résoudre l’incohérence par rapport au 1 en soulignant qu’il était muet dans le passé. Ce doublage permet de forger son caractère qui s’associe bien avec celui du joueur, un donneur de quête qui commence à devenir soûlant, Jak lui demandera récompenses et réponses à ses questions pour continuer tout comme le joueur peut commencer à en avoir marre de faire des quêtes pour lui s’il n’y voit pas d’intérêt.
L’humour est toujours très présent mais cette fois-ci plus efficace je dirais, les blagues m’ont plus souvent faire rire et la mise en scène plus systématisée avec les cinématiques s’y accorde bien pour des gags à la manière d’un cartoon qui passent très bien. C’est dosé juste comme il faut pour compenser l’ambiance plus sombre sans non plus la foutre en l’air, sauf peut-être un peu à la fin où les enjeux dramatiques se font plus pressants et que l’humour reste un peu trop là sans qu’on sache pourquoi. D’une façon générale, j’ai trouvé la fin un peu ratée :
La ville est envahie par les Metal Heads, des innocents meurent par milliers mais la mise en scène dédramatise ça. Sig revient d’entre les morts comme par miracle mais Vin lui meurt dans l’ombre sans qu’on sache pourquoi, ce qui fait très bizarre. Le baron meurt un peu trop facilement, alors qu’il y aurait eu un super coup à jouer en nous donnant le choix de l’épargner ou de le tuer pour accomplir notre revanche mais ce qui aurait pu avoir de fâcheuses conséquences avec Ashelin. Bref j’ai trouvé que c’était pas très maîtrisé et qu’il y avait mieux à faire mais c’est bien la seule partie du scénario qui m’ait déçu.
En dehors de cette fin pas terrible, je reprocherai quelque-chose de tout bête, Daxter ne figure plus sur le titre. Ça n’a aucun sens, le jeu s’amuse beaucoup du duo Jak & Daxter, ne retenir que Jak me semble maladroit même si Jak occupe ici une place encore plus centrale dans le scénario. Et comme les deux peuvent facilement être associés au sous-titre Renégat, je ne comprends pas trop ce choix, pas grave mais c’est un défaut un peu idiot. Un autre petit défaut ça serait évidemment la dissonance ludonarrative qui fait que Jak peut tuer des PNJ en ville tout en étant le sauveur héroïque, un peu bizarre même si le fait qu’il ne soit pas spécialement montré comme populaire limite le problème.
CONCLUSION : 8 / 10
Bien que je comprenne parfaitement ceux et celles qui préfèrent Jak & Daxter premier du nom qui était assez différent et l’un des premiers bons jeux de la Playstation 2, Jak & Daxter 2 Renegade, c’est le nom que je lui choisis parce que ça me fait plaisir, c’est un choix artistique assumé, cohérent et réussi ; un gameplay généreux, diversifié et gratifiant ; un scénario mieux écrit, plus amusant et mieux doublé. Il a des défauts mais c’est l’un de mes jeux préférés parmi les excellents jeux proposés par Naughty Dog, voire même mon préféré.