Rétrospecfrite : 6/12


On ne s'attend pas forcément à ce qu'une licence comme Les Tuniques Bleues, emblématique de la BD franco-belge mais qui n'a jamais vraiment eu l'aura des plus grandes, soit adaptée en jeu vidéo. Et pourtant, Blutch, Chesterfield et Cancrelat sont bel et bien les héros de trois jeux sortis entre 1989 et 2020 !

Enfin, trois jeux, pas vraiment. Si le jeu de 1989 est évidemment original et a été développé par Infogrames, les cuvées 2012 et 2020 sont deux remakes du titre fondateur, développés par Microids. On va donc ici tester la toute dernière version en date, et la seule achetable à ce jour.


Si le jeu utilise la licence des Tuniques Bleues pour son esthétique, il s'agit avant tout d'un jeu sur la guerre de Sécession qui vous propose de démarrer la partie durant l'année 1861, 62, 63 ou 64. Vous devrez choisir votre faction (satanés Yankees ou foutus Confédérés) et déplacer vos troupes sur une carte des USA, votre objectif sera donc d'annihiler toutes les troupes adverses et de prendre le contrôle du pays. Enfin, surtout du Sud-Est, du Delaware au Texas globalement.

C'est peut-être le premier défaut que je déplore, le jeu se cantonne à une trop petite zone à mon goût. J'entends qu'il s'agit d'un conflit qui était surtout limité à cette partie du pays, mais nous proposer l'exacte même zone de jeu sur les quatre années entraîne une grosse répétitivité de l'action. Les stratégies que vous mettez en place en 1861 marchent toujours en 1864, alors qu'étendre progressivement le conflit à tous les Etats aurait permis d'avoir plus de paramètres à gérer.

Peut-être que mener des batailles à la frontière du Canada n'aurait pas été réaliste et encore moins véridique, mais puisque justement on adapte une BD et pas le vrai conflit, pourquoi ne pas s'affranchir de ces limites ? D'autant que certains albums se passent loin du Sud-Est du pays, dans le contexte d'une adaptation ça n'aurait même pas été choquant.

En fait, je suis presque sûr qu'il s'agit d'un héritage du jeu de 1989, qui a dû être produit avec des limitations techniques qui empêchaient probablement d'utiliser une plus grande carte. Sauf que le remake de 2020 a choisi la carte de la fidélité (donc de la facilité) et n'a pas cherché à faire plus.


Pour finir sur la carte, je la trouve un peu mal fichue. Les Etats à l'Ouest peuvent être attaqués par des Indiens, ce qui vous fait perdre vos unités stationnées là. A contrario, l'Est contient le seul port du jeu, qui permet de gagner des soldats gratuitement. Du coup, dans mes parties l'essentiel de l'action se concentrait à l'Est puisque je ne risquais pas de perdre mes unités et que le contrôle du port est vital, une carte un peu mieux foutue aurait mieux réparti ses bénéfices et ses risques entre les différents Etats. Rien qu'ajouter un deuxième port au Texas par exemple, ça aurait donné plus d'intérêt à la zone Sud-Ouest.


Lorsque vous déplacez vos pions sur la carte, quatre actions peuvent se passer. Soit votre soldat atterrit sur une case qui vous appartient, auquel cas il ne se passe rien, soit il atterrit sur une case ennemie inoccupée, ce qui vous donne automatiquement le contrôle du territoire.

Les deux derniers cas de figure sont les plus intéressants : si vous cherchez à contrôler une zone ennemie occupée, une bataille se déclenche. Vous accéderez alors au champ de bataille, avec une vue aérienne, où vous devrez contrôler trois types de troupes (les fantassins, les cavaliers et les canons) pour décimer le camp adverse, qui a lui aussi accès à ces trois factions. Chaque corps de métier a ses avantages et ses inconvénients, mais globalement je trouve les cavaliers largement supérieurs aux autres vu leur rapidité. Vous n'avez que peu d'intérêt à utiliser les fantassins (leur grand nombre et leur attaque à distance permet toutefois d'abattre la cavalerie ennemie sans trop de risque), et virtuellement aucun à utiliser les canons (lents, peu précis et aussi fragiles que les autres). Cette phase de jeu était déjà présente en 1989.

Dernier cas de figure et principale nouveauté du remake : vous tentez de vous emparer d'une zone adverse avec un fort. Vous allez alors passer dans une phase FPS où il vous faudra tuer tous les soldats dans le campement adverse, sans vous faire tuer vous-même (ce qui serait un échec de la mission). Le gameplay de ces phases FPS est très classique, tous les minimas requis sont là (viser, tirer, s'accroupir, recharger…) mais il fonctionne, ce qui est déjà pas mal (rappelons que le désastreux remake du FPS XIII par Microids est sorti moins d'un mois plus tard !).


Les forts permettent d'accumuler de l'argent, grâce à un système de train qui vous donne de plus en plus de ressources à mesure que vous réussissez à connecter des forts consécutifs. L'argent est vital puisqu'il permet de recruter de nouvelles troupes, donc de prendre plus rapidement et facilement le contrôle du territoire ennemi.

Si vos troupes occupent un territoire où peut passer un train adverse, une nouvelle phase FPS se déclenche où vous devez remonter les wagons jusqu'au conducteur pour vous saisir de l'or ennemi. C'est un peu dommage d'avoir réutilisé les phases FPS, d'autant plus que dans le jeu de 1989, celles-ci étaient remplacées par un mini-jeu de plate-forme/beat'em up. Je trouve que ça aurait fait sens d'implémenter ce gameplay pour les séquences de train, à la fois en tant qu'hommage au jeu original et parce qu'un niveau de train dans un jeu de plate-forme c'est toujours cool, demandez à Sonic Triple Trouble ou Mega Man 5. Surtout, cela aurait apporté une variété bienvenue au jeu.

(Notez que j'ai détaillé tous les cas de figure où vous êtes attaquant, mais si l'armée ennemie lance l'offensive, vous accéderez à des phases similaires pour défendre votre train, votre fort ou votre territoire)


Parce que c'est peut-être son principal problème, malgré son apparente diversité (on a quand même trois gameplays différents, entre le déplacement des troupes, les batailles et les FPS) le jeu est mortellement répétitif. L'IA ennemie est vraiment médiocre (surtout dans les phases FPS), et une fois qu'on a trouvé une stratégie qui fonctionne (à savoir, combattre à l'Est), il suffit de la répéter chaque année et on roule totalement sur le jeu. Mon année 1863 a même été bouclée en à peine deux tours, c'est absurde !

Et puis graphiquement c'est vraiment nul pour un jeu de 2020. C'est pas laid dans le sens où ça colle à l'esthétique cartoon de la BD, mais les modèles ennemis semblent tout droits sortis de la PS2, sont réutilisés ad nauseam (il n'est pas rare d'avoir face à soi deux ou trois Cancrelats) et leur animation de mort a tendance à buguer et à les laisser debout. Je ne sais pas pendant combien de temps le jeu a été en développement, mais ça pue le rush et je ne suis pas sûr que l'excuse du Covid soit suffisante.

Le jeu aurait peut-être aussi gagné à jouer la carte du jeu éducatif, en nous faisant rencontrer les principaux protagonistes des factions (des noms comme Lincoln ou Lee sont mentionnés, mais on ne les voit jamais) ou en nous faisant revivre de vraies batailles. Là globalement, tout ce que j'ai retenu ce sont les années du conflit.


Bref, cette mouture 2020 des Tuniques Bleues est un jeu pas très beau mais qui fonctionne, malheureusement sa répétitivité et sa facilité ne le rendent pas très intéressant au-delà de la découverte (et encore, tout dépend de si vous avez joué aux versions de 1989 et 2012 ou de si c'est votre premier contact, comme moi). Il m'a fallu moins de deux heures pour faire les quatre campagnes proposées, et je n'ai plus rien à faire à part chasser les succès Steam, sauf qu'il faut plus que ça pour me motiver.

Je note tout de même qu'un mode multijoueur est inclus, peut-être renouvelle-t-il l'intérêt (vu l'IA médiocre ça ne peut pas faire de mal de jouer contre un humain), mais ça reste trop léger.

Je l'ai choppé pour une poignée de centimes via un HumbleBundle, mais quand je vois que le jeu est vendu neuf à 30€ sur consoles, je trouve ça extrêmement cher au vu de la qualité globale du titre. Je n'ai pas passé un mauvais moment, mais si j'ai ressenti un ennui poli en moins de deux heures, c'est qu'il y a quand même quelque chose qui cloche.


Tiens, Infogrames n'a pas développé un jeu Astérix avec un gameplay similaire une dizaine d'années après Les Tuniques Bleues ? Mmh…

Sonicvic
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le 18 oct. 2023

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