Le monde du jeu narratif est en plein mouvement. Mélanger les techniques du "point & click" , des "visual novel" et du "walking simulator" peuvent vraiment donner lieu à de nouvelles expériences narratives. Et je regarde Life is Strange non pas comme un aboutissement mais comme l'un des premier grand succès d'un genre, qui selon moi, peut encore aller BEAUCOUP plus loin.



La contre-critique :



Ce qui est marrant, c'est que j'ai entendu parler pour la première fois de ce jeu en voyant une critique de Mister Plouf qui disait détester le jeu et en spoile carrément la fin. A l'époque j'avais regardé la critique en me disant "osef, j'achèterais pas ce jeu de toute manière". Et puis, la première partie était en promo sur Steam l'été dernier, je me suis dit que j'allais me faire mon avis. En fait, j'ai plutôt guetté toutes les promos me permettant d'avoir les chapitres suivant, ce qui fut fait cet été. (DONTNOD ayant sûrement cassé les prix afin d'appâter les jeux avant la sortie de "Life is Strange, Before the Stom" à la rentré.) Et du coup, si j'avais gardé en tête certaines critiques de Mister Plouf, j'avais oublié les spoils de la fin, en gardant un vague souvenir.


J'ai re-regardé la critique après avoir fini le jeu et je suis d'accord avec certains de ses arguments : Oui, Max est incroyablement bavarde et les dialogues ont un côté pompeux assez assommant. On se surprend parfois à vouloir les zapper et lorsque j'ai rejoué au jeu, j'ai passé de nombreux moment à bouquiner sur le net pendant les cutscènes que j'avais déjà vu. Oui, le pouvoir permettant de remonter dans le temps est un peu bizarre et ressemble à une téléportation. Oui, certains dialogues font un peu forcés. Oui, j'ai trouvé le passage de la piscine assez incongru et plus comme un prétexte à faire du fanservice et à reprendre un décors. Oui, la séquence des bouteilles est ratée (les devs s'en sont rendus compte après et se sont auto-critiqué dans le jeu.) Et OUI, LA FIN EST NULLE ! (Cf, plus bas.)


Après, sa critique sur "Un jeu indé développé par Square Enix, c'est n'importe quoi" m'a fait sourire, même si, le jeu est une idée de DONTNOD une petite boîte parisienne, et que Square Enix a plutôt eu un rôle de diffuseur dans cette histoire. D'ailleurs, je modifie ce paragraphe : Ça n'est pas un jeu indé DU TOUT : il a été réfléchi comme un jeu Triple A par la boite qui l'a fait, celle-ci ayant dit qu'effectivement, ils étaient en équipe plus réduite que sur leur précédant titre Remember Me (qui avait été dur à développé et avait fait un flop...)


Alors, on peut voir ça comme quelque chose d' Indé non pas dans le sens "jeu en pixel-art pas très joli et un peu fauché mais à l'idée sympa" mais plus dans le sens "film indé américain." Le jeu est un hommage au genre, avec sa petite ville, ses problèmes d'adolescents, ses personnages dont certains sont des prolos, sa musique à la guitare et ses allures de hipsters. Que vous preniez le terme hipster pour un compliment (avant-gardiste un peu décalé) ou pour une insulte (poseur qui se la pète en reprenant des codes qui ne lui appartiennent pas.)


Les développeurs ne s'en cachent pas : ils ont énormément été influencés par les films et les séries américaines (ils ont même planqués leurs références dans les plaques d'immatriculation des voitures du jeu) et pour le coup, c'est réussi au point que je pensais avoir affaire à un jeu américain. Ça n'est qu'en regardant les coms des Devs que je me suis dit "marrant ils ont bossés avec des français, certains ont un putain d'accent" et en fouillant je me suis rendu compte que c'était une boite parisienne, quasiment 100% française, que seul les acteurs et un de scénaristes était ricain. Rien que pour ça, les mecs ont réussi leur coup. Alors si certains évoquent Twin Peaks, l'Effet Papillon ou Donnie Darko dans les influences (et c'est vrai qu'on a l'impression d'y être) j'ai eu parfois l'impression de jouer à Veronica Mars, le jeu : Le fait d'avoir une adolescente, enquêtrice, qui a un faible pour les appareils photos, qui est narquoise, qui vient d'un milieu populaire et qui se heurte aux riches du même lycée qu'elle, un flic à la ramasse, des histoires de drogues dans les boissons, la fille disparu que tout le monde aimait, etc... Et comme Veronica Mars est une série que j'ai bien aimé... j'ai bien aimé Life is Strange.



Les dialogues de Schrodinger : (A la fois bon et mauvais)



J'ai fini le jeux deux fois : une première partie où j'ai essayé d'agir selon mes envies en faisant les choix qui me semblaient les plus justes, et une partie en mode "bitch" où je n'ai jamais aidé personne, et faisait les choix les plus violents ou moralement douteux (répondre mal à un pnj, voler l'argent des handicapés, laisser un mec avec une balle dans le genoux, etc...) Et pourtant j'ai du mal à savoir si les dialogues sont bien foutus ou incroyablement mal construits


Car, oui, les dialogues m'ont énervés à certains moments ou fait levés les yeux à d'autres, notamment le côté "incessant bavardage" (pointé plus haut) et certaines réactions peu naturelles. On a parfois l'impression que le jeu tente d'en faire trop dans ses dialogues, ses émotions et ça rend les choses peu naturelles. Mais j'ai peur que la redondance ne soit pas un défaut d'écriture, mais un truc inhérent au genre.


En effet, comme dans la grande tradition des points & click, cliquer sur un objet nous permet de savoir ce que le personnage en pense. C'est une tradition depuis Maniac Mansion qui permet de donner du background et une psychologie au personnage. Toutefois, ce qui passe en deux lignes de texte semble beaucoup plus long avec une voix off : du coup, on a l'impression que Maxine a des réflexions philosophiques en voyant une vieille bagnole ou s'extasie devant une machine à laver.


On pourrait se dire que le jeu devrait prendre le même parti pris que Gone Home et laisser le joueur silencieux devant un objet. S'il y a un lien à faire entre deux telle chose et telle chose, il sera assez intelligent pour le faire, mais ça déshumaniserait le personnage et il est bon parfois que Max nous rappelle l'importance de ce qu'on lit ou voit, Gone Home se déroulait dans univers plus minimaliste et ne nécessitait pas qu'on souligne telle ou telle chose.


Life is Strange doit jongler entre deux genres de joueur : Ma copine lorsqu'elle joue au jeu ne clique pas sur tout les objets : elle va d'un point A à un point B et ne s'intéresse que sur les trucs qui lui semblent utile pour poursuivre l'histoire. Moi, plus méticuleux, je passe du temps à m'intéresser au moindre bout de papier, à la moindre affiche sur les murs, et même si j'ai l'impression de perdre pas mal de temps pour pas grand chose, cela permet de m'immerger bien plus dans l'univers et de comprendre mieux les personnages. Mais du coup, pour ne pas léser le premier type de joueur, le jeu doit parfois répéter dans les dialogues ou les cinématiques, des informations que le second type de joueur avait pleinement comprise.


Et c'est d'autant plus relou que ça s'ajoute à des répliques forcées ayant une fonction purement responsives. Par exemple, lorsque vous voulez prouver à Chloé ce que vous pouvez voyager dans le temps, le jeu propose que vous détaillez 4 choses de ce qu'il va se passer. Et à chaque détail mentionné, Chloé aura un jeu de mots ou une réflexion à faire. Si cela à une fonction interactive (le jeu viens d'enregistrer ta réponse) c'est absolument pas naturel et ça force l'impression que Chloé est une reloue qui répond à chacune de tes phrases. Il y a une impression de vouloir TROP en faire, qui rejoint aussi certains passages du jeu, chouette, mais trop longs.


Le passage du cauchemar de l'épisode 5 notamment : j'ai trouvé ça visuellement génial les 5 premières minutes... et je me suis dit après "putain, quand est ce que ça fini ? J'ai compris le message, Max ne s'aime pas. C'est bon, on passe à autre chose."


Et paradoxalement, le jeu est une merveille en matière de fluidité d'écriture. C'est l'un des premiers jeu à intégrer vraiment les choix que l'on va faire de manière à ce qu'ils paraissent totalement naturel et ça m'a foutu sur le cul.


En règle général dans les jeux où les choix sont multiples, les ficelles sont parfois visibles : le jeu déroule tranquillement son script, et puis tout à coup, un personnage ou un événement va vous rappeler que "au fait, t'as décidé de faire ça à tel moment, du coup voici la conséquence." Ici, c'est parfois fait subtilement au détour d'un dialogue qu'un PNJ va nous asséner, ou un choix qui ne sera pas disponible. De plus, si un personnage t'en veux pour une chose, une grande partie de ses dialogues et de son attitude va changer et non pas à UN seul moment interchangeable. Certains passages sont tellement bien intégrés et fluide que c'est lors de ma deuxième partie que j'ai remarqué qu'ils n'étaient plus là ou avaient changés par conséquence d'un choix bien antérieur.


On sait depuis The Stanley Parabale que le joueur n'est qu'une marionnette choisissant finalement des choix parmi une liste totalement scripté et que le choix dans un jeu vidéo n'est qu'une illusion. Toutefois, en arriver à une telle subtilité faisant que les choix paraissent s'insérer partout, c'est à dire non pas seulement dans la trame principale mais aussi dans des détails et à des endroits où on l'attend le moins me fait dire que le genre du "jeu narratif" commence à atteindre son but.



Autres choses :



Du coup, niveau rejouabilité je suis circonspect : Oui, c'est cool de voir ces petits détails qui changent, ces conséquences qu'on avait pas imaginées, mais c'est chiant de devoir se retaper plein de séquences qui elles, n'ont pas changées d'un iota. Le jeu affiche la possibilité de recommencer chapitre par chapitre... mais l'utilité est parfois de voir comment un choix fait au chapitre 1 va influencer le chapitre 5.


J'avais l'impression qu'en connaissant déjà le jeu mes parties seraient plus rapide, mais ça n'est pas le cas, et jai passé pas mal de temps à faire autre chose en écoutant des parties déjà connues avant d'obtenir LE passage où je savais qu'il y avait un changement. C'était un peu jouissif mais laborieux.


Visuellement, le jeu est assez joli. Là encore il retranscrit le côté hipster avec ses couchers de soleil, ses teintes oranges, et il y a un usage de la texture "peinture" qui rend vraiment bien. Hélas, l'illusion s'estompe parfois et il y a des moments où cela va vers la Uncanny valley : certains personnages sont inexpressifs, il y a des bugs au niveau de l'articulation de la bouche, et à vrai dire dans la scène de la piscine, les personnages faisaient très "pantin désarticulé." En PLUS il y a un bug sur certains ordis (dont le mien) sur les passages photographiques où les photos censées passer du flou au net... restaient normales. Sachant que c'est un élément important pour voyager dans le temps.



La fin est frustrante :



Mais ce qui m'a le plus déplu dans Life is Strange c'est sa fin. Ou plutôt ses fins. Comme je vais devoir passer en zone spoiler, je ne peux dire qu'un seul truc : c'est méga frustrant et je vois mal comment on peut s'en contenter. J'ai appris que les développeurs manquaient de temps sur l'épisode 5 et qu'ils l'ont bâclés et je n'ai qu'une seule chose à dire : "je l'ai senti." Si vous n'avez pas fait le jeu, passez directement à la conclusion.


Bon, déjà l'épisode 5 est décevant : beaucoup de passages y sont scripté, avec très peu de choix (notamment à la galerie) on passe une éternité dans la chambre noire, attaché, et finalement, le seul moment où le jeu donne enfin l'impression que l'on le joue, c'est lorsqu'on parcoure les rues sous la tornade, c'est qui n'arrive qu'à mi-chapitre. Pour compenser cela ils ont mis le passage du cauchemar, qui quoique sympa est bien trop long et coupe la narration. De plus, c'est le chapitre le plus buggué : je me souviens d'une discussion avec Warren où Max ne bouge pas les lèvres et dans le Diner la texture de ses cheveux de Max est pleine de petits glitchs bizarre.


Et on arrive aux deux fins du jeu, qui seront les même quelque soit vos choix dans le jeu : que vous ayez été gentil avec les personnages ou une gros enfoiré, ça sera le même tarif. C'est sans doute pourquoi, empêcher (ou pas) le suicide de Kate à la fin de l'épisode 2 est finalement l'un des passage que l'on retient bien plus du jeu, que cette fin : c'est le seul événement marquant et visible sur lequel vos choix auront un sérieux impact sur une partie de la narration.


Mais pour le reste, finalement le jeu dit qu'il s'en branle de ce que tu as pu faire comme choix : on passe du temps avec des personnages, on tente de résoudre leur problème ou de les engueuler pour ce qu'ils ont fait, on les confronte, on les côtoie, on revient parfois en arrière afin d'éviter leur mort ou leur divorce... et au final, le jeu nous balance un "je m'en fout, lol, l'important, c'est Chloé."


Aucune des deux fins n'est satisfaisante : Dans l'une vous revenez dans le temps et laissez Chloé mourir. Mais du coup, tout ce que vous avez fait dans la semaine est chamboulé : Kate ne tente pas de se suicider, la dispute entre David et Joyce n'aura pas lieu et Chloé n'aura jamais tiré sur Frank. Vous n'aurez servi à une seule chose : ne rien faire.


Dans l'autre, vous dites "fuck le destin" et vous laissez la ville d'Arcadia Bay telle que vous l'avez laissée se faire détruire, Chloé et Max repartent... et voilà c'est tout. D'ailleurs, la totalité de vos actions envers des personnages secondaires durant le chapitre 5 n'ont jamais eu lieu : vous n'avez jamais réconforté Frank, Joyce ou Warren et n'avez jamais sauvés certains personnages d'une mort certaine. Le pire, c'est que ça rend réel cette scène de cauchemar où tous les personnages disent à Max qu'elle est en train de les tuer. Voilà, la ville est détruite mais vous ne savez pas ce qu'ils sont devenus. "Mais hééé, Chloé est vivante, c'est le plus important non ?"


NON.


Alors, certes, oui, il y a une petite compensation et la première fin changera selon nos actions antérieures, mais ce changement est tellement invisible que bien des joueurs ne l'ont pas vus et que je l'ai sut en refaisant le jeu et en lisant les soluce. En effet, si l'on flirte grave avec Chloé les deux filles s'embrasseront et selon nos actions avec certaines personnes au cours du jeu, certains viendront à son enterrement ou pas. Ce qui est peu logique vu que nos actions ont eu lieu dans un monde parallèle.


Si j'ai vanté le jeu pour être très subtil sur les effets de nos actions dans le jeu, s'il y a un bon moment où on doit pleinement les voir c'est bien la fin, non ?



Un essai encourageant :



Mais du coup, je suis TRÈS curieux de ce que ça peut donner par la suite. Le "Life is Strange Before The Storm" me titille car j'ai envie de voir comment ils vont développer le background de Chloé et Rachel sans le foirer. Et j'ai très envie de voir ce que donnerait un "Life is Strange 2." Car après leur succès critique et public, ainsi qu'une meilleure maitrise de ce qu'ils savent faire DONTNOD a les mains libres pour faire un truc encore plus ambitieux : quelque chose de plus complexe, avec plus de choix donnant lieu à encore plus d'implications sur le scénario et une véritable fin à la mesure de leurs ambitions.


J'y crois et je les attends au tournant.


PS : Par contre le projet de série télé "Life is Strange" n'a aucun intérêt à mes yeux, je pense que vous avez compris pourquoi.

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le 10 août 2017

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